U RUPTURE AVEC LE VOTAS
INTERPELLATION BONI DE CASTELLAHE
Ce n'est qu'à trois heures et demie qui, commence la discussion des interpellations sur la politique religieuse du cabinet.
m. Henri Brisson annonce que M. Paul Meunier, député radical de l'Aube, l'un des auteurs des interpellations, retire sa de* mande. ,
«n. Boni de Castellane, dont l'interpellation est la première en date, ouvre le feu.
m. Boni de Castoilane : En l'absence du Parlement, le présidant du conseil a exercé une politique contraire à celle du ministre des affaires étrangères, que la Chambre avait ratifiée à une grosse majoriité. (Très bien à droite.)
Le ministre des all'aires étrangères a toujours affirmé une politique extérieure indivisible, dans laquelle il plaçait le maintien des droits et des privilèges de la France. Pendant six années, il a renouvelé oette affirmation et défendu la nécessité des rtapports diplomatiques avec le Saint-Siège et an maintien des protectorats.
M. de Castellane continue :
Le gouvernement entend-il conserver à la France la prérogative ancienne qu'elle a été lière de conserver jusqu'à ce jour ? M. Delcassé avait constaté, dans un de ses discours, que t'influence que nous tenions de notre protectorat était mtnacée et que nous avions besoin de l'appui du Saint-Siège pour le maintenir contre nos rivaux, et il insistait sur la solidarité nécessaire entre l'Eglise latine et la puissance protectrice.
Il tenait ce langage en 1889. En 1902, II combattait la commission du budget qui refusait le crédit des missions. Il renouvelait ces déclarations en 1903 et elles recevaient toujours l'approbation de la Chambre, à une grosse majorité.
C'est contre cette politique que le président du conseil, profitant de l'absence des Chambres, vient de se prononcer.
La Cnambre entend-elle adopter ces thèses extraparlementaires, ou conserver sa confiance en M. le ministre des affairas étrangères ? Elle doit le dire. On ne peut laisser le pays plus lonstemps dans l'état d'anarchie et d'inconscience que révèlent certains actes. (Applaudissements a droite.)
DISCOURS OE M. GROUSSEÂU
m. Grousseau succède à M. de Castellane.
M. Grousseau : Le discours prononcé à Auxerre par le président du conseil a aggravé les difficultés. Le président du conseil a enaa»é le gouvernement dans la vole ae la sénaration de l'Eglise et de l'Etat. Le mot d'orïre a éW ' donné: le Saint-Siège viole le Concordat Ce t lui qui veut la séparation «»"<•<«u<", cesi.
Or, dans les afiaires récentes de Laval et de
?vii?,e0xn«.lnVî,nS,UetC'ét^t le gouvernement qui avait exclu tout terrain d'entente et combiné une rupture de manière à la rendre inévitable! (Applaudissements à droite ) «HP0C 1S,président au conseil a-t-il affirmé K L?p0salt lla relus systématique aux
FabU ? y avalt pas en a'entenle Préa.
La matière en litige entre le Saint-Siège et ie gouvernement, c'est d'abord une lettre adressée par ie carciinal sccrétaire du Saint-Office à i eveque de Laval, pour lui demander de rési-' gner ses fonctions, u'est ensuite la signification iatte a l'evêque de Dijon. Ce sont enfin les lettres adressées aux deux évéques, les invitant a se rendre a Rome.
Le gouvernement a dit qu'il y avait eu vio. latlon du Concordat. Le Saint-Siège a soutenu
qu'il n'y avait nullement eu violation. Il n'y a rien dans le Concordat qui Indique que le Satnt-Siege ne peut,, sans le consentement ■Dréalable du gouvernement,enjolndre à un évaque de renoncer à 3on diocèse. Le gouvernement n'a même pas essayé de contredire ou de réfuter le raisonnement ou Saint-Siège. Il n a rien répondu. U s'est borné à rompre les relations officielles avec le Saint-Siège.
Souvent a est plus facile de rompre que de discuter. C'est méconnaître les droits, non seulement du Saint-Siège, mais de tous les catholiques. , .",,>„.
Le Concordat ne dit rien non plus de la déposition des evêques. Ce droit de déposition ou de destitution appartient à celui qui possède l'institution canonique.
On invoque les Articles organiques, mais beaucoup de ces articles sont en contradiction avec le concordat.
Ce n'est pas la première fois que le SaintSiège use de son droit disciplinaire. En 1876. il suspendit l'évoque de Maurienne et le ministre des cultes d'alors, M. Dulaure, ne formula aucune protestation.
■ Les documents diplomatiques . publiés prouvent que le gouvernement avait l'intention arrêtée d'arriver à une rupture. Toutes les négociations le prouvent. Il ne répond rien aux jropositions conciliantes du Saint-Siège. II procède à une rupture brutale et publie les domtuents dans un savant désordre.
Ut. Combes, président du conseil : J'ai détendu jusqu'au dernier moment le Concordat iontre Rome. C'était la loi de l'Etat, je l'ai observée.
m. Grousseau : Dans une interview à un Journaliste autrichien, M. Combes déclare que la séparation est a son avis inévitable et ajoute qu'il tient a rester au pouvoir.
De même à Auxerre. Là, le président du conseil a proclamé la nécessité du divorce entre l'Eglise et l'Etat, non pas pour incompatibilité d'humeur, mais pour incompatibilité de principes. Il prétend que Rome viole le Concordat en reïusant systématiquement l'institution canonique aux evêques nommés parle gouvernement. Il exige d'être consulté préalablement.
Le plan était d'arriver à la séparation, mais on voulait laisser croire à l'opinion publique que c'était le Saint-Siège qui en était responsable.
M. Combes a adressé un ultimatum dans des termes qui n'ont jamais été employés vis-à-vis d'aucqne puissance étrangère. (Très bien ! a droite.
m. Lasîes : Il ne craignait pas les fusils.
M. Grousseau : En opérant la rupture, le président du conseil, de l'avis de ses amis, a engagé la question du Concordat.
Voua i'aecasation formelle. M. le président du conseil maintient-il son affirmative ?
M. Combes : Je m'en tiens au texte de mon discours.
L'orateur termine en disant que le président du conseil rêve une Eglise nationale.
DISCOURS DE L'ABBÈ GftYRfiUD
ta. l'abbé Gayraud— Le Concordat reconnaît au Saint-Siège le droit de déposition et dé destitution des évêques. Personne ne conteste qu'en vertu du même Concordat, le gouvernement n'ait le droit de. nommer les évêques. Alors, pourquoi contester au Papa le droit de mander auprôs de lui les évoques desquels il croit avoir a se plaindre ï
Vous ne ferez croire à personne que le droit de domination que le Concordat doane au gouvernement enlève par le fait même au Papa le droit de suspension ou de déposition. Les deux droits, ne sont pas contradictoires. Un évêqae nommé par le gouvernement et frappé par le Saiai-Siege conserve son siège. Le droit de nomination au gouvernement est donc respecté.
m. Ghaussier : Vous démontrez l'absurdité du Concordat.
m. l'Abbé Qayrauti : Pas du tout. Qu'estce qui fait un ôveqae, dans le sens propre du moi ? L'institution canonique, or, ce n'est que l'église qui puisse donner & l'évêque, l'institution canonique. L'église donc seule peut enlever à l'évêque ses pouvoirs épiscopaux, l'Etat n'a rien^à y voir et la Concordat n'en est pas pour cela battu en brèche.
Il est vrai que vous vous appuyez, pour justifier vos réclamations, sur lès articles organiques, mais le Saint-Siège n'a jamais reconnu les articles organiques. (Interruptions a gauche.)
m . Jaurès : Vous préparez la séparation.
M. l'abbé Gayraud : Si vous vouiez. Comme eatnolique je n'y vois aucun inconvénient. Je ne puis raisonner de la même manière comme citoyen français. •
NI; Bepmàle : Distinguo,
Kl. Gayraud affirme une nouvelle lois que là responsabilité de la séparation incombe seul au gouvernement.
DISCOURS DE É, DESCHÂHEL
M. Paul Deschanel monte à la tribune. Dès les premières parâtes, il se déclare aux applaudissements des ga.ucJn.es, partisan u.9 la séparation.
M. Paul Deschanel : Pour faire la séparation, il faut un gouvernement ferme en ses
esseins et si on veut le ^xrasser trop io£n il est
éeessatre qu'il pose la (ïuestion de cou-ttance. On se montre, vous le savez, d'autant plus républicain qu'on est plu?» anticlérical ; ce que nous avons vu depuis de.-ux ans est-ce fait pour nous rassurer à cet égard? Vous savez ce qu'on a fait pour la, procéaar e d'autorisation, pour le projet sur l'enseigneme nt et pour la loi de deux ans."
En effet, le Gouvern ement laisse la discussion s'engager sur un projet qui n'est pas le Bien-. Sur des qaestloas aussi graves, il ne doit pas se mettre a la re morque, il iaut qu'il dirige, il faut en second lieu que la séparation ne sépare pas de la République un grand nombre de français. U ne fatut pits qu'une seule des âmes françaises soient ing.uiétée. Nous leur devons non seulement la liber té de conscience, mais encore la liberté du culte, (applaudissement sur tousles bancs).
Toutes les manières de s sntir et d'espérer sont légitimes, la liberté de cr< lire lait partie de la liberté de penser au mêm « titre que la liberté de ne pas croire. (Applav dissements).
Sommes-nous sûrs de 1 prouver ici l'impartiaite nécessaire et la sérér iité bienveillante ?
Sous la Restauration ] pour être bien vu, les ifliciers étaient obligés -d'accomplir leurs devoirs religieux.
' Leurs devoirs religiciux maintenant ils sont obliges de ne pas les accomplir (Rires au cem tne).
.La séparation ne peint donc être faite que par des nommes de pensée libre.
Enfin, messieurs, il faut que sur aucun point du monde les Intérêts ï rançais n'aient à souffrir da l'ordre nouveau. Est-ce que vous croyez
, que désormais vous ignorerez complètement fEgliso ? La représentation diplomatique et la séparation sont denx Questions distinctes.
M. Combes a parlé a Auxerre du protectorat d'Orient comme il avait parlé a Tréguier de la question des Balkans (Rires au centre). Nous devons garder ce protectorat et vos votes réitérés me permettent de croire que vous conserverez le même sentiment sur la question.
Telles sont les appréhensions d'un grand nombre de républicains. Une politique purement négative ne serait bientôt plus comprise de la démocratie. Il ne faut pas faire de la séparation une arme contre quelqu'un, il faut faire la séparation dans la raison et dans la justice. (Applaudissements à gauc/ie, mouvements divers au centre.)
Quand M. Deschanel descend de la tribune, quelques radicauxlui serrent la main. M. Pelletan quitte aveo ostentation son banc pour le féliciter.
La séance est levée à 6 heures 20 et renvoyée à demain samedi, à deux heures.