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    LA MODE

    La richesse des étoffes, l'élégance des garnitures et la gràce de la forme, voilà ce qui caractérise la mode d'aujourd'hui, de demain, et qui sera plus vrai encore après-demain, la logique des choses voulant que chaque jour soit en progrès sur le précédent; si l'on ne change pas d'orientation, c'est le crescendo qui s'impose.

    En changeant de pelage et remplaçant les gazes et mousseline froufroutantes de l'été par le costume confortable, nous restons quand même dans la note bien féminine qui plaît à la mode. Celles d'entre nous qui aiment le velours, et elles sont nombreuses, seront satisfaites ; on en portera de plus en plus, et il sera mis à contribution aussi bien pour les robes que pour les vêtements et les chapeaux. Déjà les grandes maisons spéciales font leurs réserves en vue d'une hausse prévue, 1'article étant très demandé, comme on dit en style commercial. Cette question de prix, tout en étant intéressante, n'est que secondaire pour nous, qui n'avons à nous occuper dans notre courrier que du coté esthétique de la mode, chaque lectrice interprétant celle-ci, avec nos renseignements, dans la mesure de ce qui lui est permis par son budget. Donc, on portera beaucoup de velours, ce qui est très seyant, doux à l'oeil et parfaitement en harmonie avec la saison, les fourrures et les ornements luxueux, parmi lesquels il faut compter au premier rang les passementeries diverses, rehaussées d'or ou de perles, les broderies et les dentelles. Les soieries de haute fantaisie auront un succès égal au velours, et pour les costumes de genre, nous aurons les beaux lainages souples, un peu bourrus d'aspect, mais si moelleux ! Dans cette série, il faut comprendre toutes les étoffes poilues, dont le dessus se veloute sur un fond d'une autre couleur ou d'un ton différent. Ce petit coup d'oeil général sur les étoffes et leurs garnitures suffisant à indiquer la voie, je vais, par quelques descriptions détaillées et le croquis de quelques robes et collets, mieux préciser encore les tendances de la mode et ses capricieuses élégances.

    Un mot encore à propos des corsages : ils sont très ornés, drapés de façon originale, garnis de boutons, de passementeries, de broderies et de dentelle, soit de la guipure, de vieux points ou de ces dentelles Renaissance très épaisses qui participent de la broderie et de la dentelle tout à la fois.

    Malgré cette nouvelle manière de comprendre les corsages, les bouffants n'ont pas abdiqué, mais ils ne se portent plus à l'exclusion des autres, et la partie bouffante reste souvent circonscrite au plastron, qui apparaît souvent aussi bouillonné de gaze. Notons en passant ce goût des bouillonnes, que nous retrouverons appliqués à maintes choses et notamment aux robes du soir.

    Je commence ma petite numération sans ordre de classement, chacune y prendra ce qui la séduira ou lui conviendra le mieux. Voici, en première ligne, une robe en velours côtelé à rayures vert mousse et violettes alternant; des anneaux de ces mêmes couleurs, tissés dans l'étoffe, s'égrènent sur le fond. Le corsage, froncé et légèrement bouffant, est en soie gorge de pigeon, avec application de dentelle écrue dans le haut; une haute ceinture en velours semblable, à la jupe, serre gracieusement le bas de ce corsage, dont les manches sont en velours côtelé.

    Une gracieuse robe de dîner, toute simple, mérite qu'on s'y arrête : elle est en un crépon rose, idéal de couleur, une teinte d'aurore, sur laquelle se détachent des palmes cachemire roses de plusieurs tons. Le corsage, tout en dentelle ivoire, recouvre un dessous de crépon rose uni. La ceinture est en satin noir et les manches en crépon rose à palmes.

    Une robe de demi-deuil me paraît également intéressante dans sa note distinguée. Elle est en soie blanche semée de bouquets noirs aussi légers qu'une aile de papillon, et assez espacés pour que le blanc de la robe domine ; le devant de la jupe est encadré, en tablier, par un coquille de gaze de soie noire très flou ; le corsage en soie pareille à la jupe, avec manches de même étoffe, est garni de gaze de soie noire.

    A côté de ces robes que je viens de décrire, discrètes en somme, la mode se plaît à des étrangetés telles que celle-ci : une robe en popeline de soie noire moirée, dont le corsage est garni d'une draperie de velours rouge dahlia, plissée comme une berthe et prenant le haut de la manche sur l'épaule; le bas de la draperie est uni et appliqué de soie crème.

    J'ai déjà parlé à plusieurs reprises des velours cachemire, je les note de nouveau et aussi tout un groupe de robes « à disposition », dont le fond est uni, marron, par exemple ou bleu foncé et dont toutes les garnitures de jupes ou de corsages seront faites avec un lainage de même couleur, quant au fond, mais parsemé de palmes cachemire ; ce sont des robes d'un usage très pratique et que l'on peut faire chez soi avec un bon patron. Un autre genre qui ne manque pas d'un certain cachet d'élégance est la robe de drap, dont le devant, les côtés ou la bordure, ainsi que le plastron du corsage, sont découpés, ajourés comme un dessin de guipure, et dont les lignes se détachent nettement sur un transparent clair, mais de même couleur ; on fera ainsi une robe bleu foncé sur transparent bleu pâle.

    Au risque de me répéter, je note le succès très grand des soieries à rayures et des fonds unis semés de fleurs de teintes douces et comme estompées.

    Toutes les soies brochées et les façonnés en lainage et en soie appartiennent aussi aux modes d'hiver, ainsi que les velours de tous genres et quelques gros crépons dont voici un spécimen des plus haute nouveauté. C'est un crépon rouge pétunia formé d'une rayure foncée et l'autre claire, de nuance pétunia toutes deux ; sur la côte foncée sont brodées des perles d'or.

    Ce rouge en attire un autre et me rappelle un déshabillé favorable au teint lacté, en crépon façonné vieux rose, s'ouvrant sur un devant en soie plissée accordéon d'un rouge violet dahlia; de ce même rouge sont les choux fixés sur la poitrine, d'où s'échappe une pleureuse plissée. Je ne peux mieux terminer cette petite revue des robes nouvelles qu'en cherchant à rendre le charme original d'une robe dont la soie est tissée de roses. Ces roses ouvertes, à pétales chiffonnés, pressées les unes contre les autres comme des roses coupées sans feuilles ni tiges, qui seraient posées pour couvrir une surface, sont si bien dessinées et d'un tel coloris que cette jupe semble faite de roses naturelles ; ce sont de grosses roses roses et d'autres jaune pâle, à coeur rose. Le corsage qui accompagne ce buisson ou parterre de roses est tout en fine guipure rousse, sur transparent de soie rose.

    A la question des collets, résolue dans les causeries précédentes, il faut ajouter quelques modelés plus nouveaux encore :

    1. i° Un collet en drap beige, avec large bordure de fourrure grise dans le bas; sur cette bande court une application de petites plumes de paon qui se répètent sur la fourrure du grand col Médicis ; le drap est orné, en plus, de broderies faites de paillettes bleu paon formant des dessins de fleurs;
    2. 2° un collet en lierre argenté, avec application de velours noir découpant de grands dessins. Tous les collets sont assez long avec une seule pèlerine, le plus souvent des cols très hauts et des ornements de passementerie, de perles, de jais et de fourrure.

    J'ai eu l'occasion d'admirer la superbe vitrine des Muguets, maison Léonard, 28, rue Victor-Hugo, et je pense être agréable à mes aimables lectrices en reproduisant quelques modèles. La figure n°1 représente un chapeau feutre à larges bords, orné de plumes d'autruche; calotte très basse et cache-poigne de chrysanthèmes. Le modèle n° 2 est un chapeau très original qui n'a pour toute garniture que deux ailes fantaisie, choux froncés sur le devant et large noeud de ruban sur le derrière.

    Je conseille beaucoup la capote tond drapé en velours émeraude, garnie de broderies, paillette or et émeraude, trois choux de plumes et fantaisie d'ailes sur le derrière (fig. 3).

    La capote n° 4, en velours avec fond jais, bouffants de velours sur le devant, crosses en plumes lisses et cache-peigne de plumes d'autruche, fera fureur chez les jeunes femmes.

    Je ne signalerai pas les modèles riches, spéciaux à Mme Léonard. Une promenade dans ses magasins est préférable à toute description.

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