GAZETTE DE LA MODE

Il me plaît aujourd'hui de m'occuper des hommes; non point que le sujet soit des plus intéressants, mais ces messieurs se livrent assez souvent à des railleries sur nos pauvres petites toilettes, pour qu'il nous soit permis d'examiner de quelle façon ils se fagottent.

A dire le fond de ma pensée, l'homme n'est pas beau, — il est même laid.

Cela a de grands pieds, de grosses mains, des mouvements raides, anguleux, la peau rude, les cheveux courts et du poil sur la figure.

Il était donc de toute nécessité de relever par les agréments du costume cet ensemble peu séduisant; alors les hommes de notre temps ont imaginé de s'enfiler les jambes dans des fourreaux qu'on nomme pantalons; de se mettre sur le dos un vêtement terminé par deux pans, et qui, selon que ces pans sont pointus, carrés ou ronds, s'appelle habit, redingote ou jaquette; de serrer leur cou dans un carcan dit faux-col, et de surmonter le tout d'un chapeau entièrement noir à qui on a justement infligé l'épithète de cornet de poêle; il y a même, je crois, d'autres noms (1).

Voilà quelle est la base immuable du costume masculin, et toute l'imagination des inventeurs de modes consiste à dire ceci :

— Cette année les pantalons seront larges, les habits longs, les chapeaux hauts.

Cette autre, - les pantalons seront collants, les paletots courts et les chapeaux bas.

Hier, les hommes portaient des redingotes dont les pans essuyaient les talons de leurs bottes, — aujourd'hui des paletots courts, assez pour laisser à découvert des choses incroyables.

Et on nous accuse de nous décolleter I

Il est résulté de ces accoutrements bizarres, des caricatures assez bien réussies, car je ne pense pas qu'il soit possible de rencontrer quelque chose de plus profondément ridicule que les parfaits élégants du moment avec leurs chapeaux plats et leurs vestes d'écurie ; — la plupart d'entre eux, quoique affligés de jambes mal redressées, ont des pantalons tellement collants qu'on se demande avec inquiétude comment ils s'y prennent pour y entrer.

Aussi cela fait vraiment rire de voir le sexe à qui nous devons nos maris se moquer de nos colifichets qui, Dieu merci, témoignent d'un peu plus de bon goût.

D'ailleurs, pourquoi le cacher, - nous avons cet avantage immense de communiquer à nos parures la grâce dont la nature nous a douées, -- ce à quoi les hommes ne sauraient prétendre par les motifs déduits

à mon deuxième alinéa ; -- qu'un chapeau soit grand à y planter des arbres de hautes futaie comme jadis, ou petit à ne le voir qu'au moyen d'un microscope comme aujourd'hui, — il ne sera jamais laid si dessous on découvre un agréable minois, qu'elle soit longue ou courte, large ou étroite, une jupe paraîtra toujours d'une forme irréprochable si elle est un peu bien habitée.

Le curieux, c'est que les choses qui prêtent le plus matière aux critiques des hommes sont précisément celles dans lesquelles ils font consister notre principale beauté, et nos attraits les plus irrésistibles.

Aussitôt qu'un monsieur s'est senti une inclination tendre à l'endroit d'une femme, il lui a tenu le langage suivant : — « J'aime ta taille de guêpe, ton cou de cygne, ton teint de lys et de rose, tes longs cheveux où ma main se noie. »

Et nous, bonnes comme pâte, pour avoir cette taille de guêpe, ce teint de lys et de rose, et cet océan de cheveux, nous nous sommes étranglé la taille dans des corsets, barbouillé la figure de poudre de riz et de carmin, et nous avons acheté des chignons qui coûtent trente-cinq francs.

Puis les hommes reconnaissants, ont imprimé dans toutes les feuilles publiques: — Décidément les femmes sont des êtres singuliers, elles se serrent à étouffer, prennent leurs cheveux dans les boutiques des coiffeurs et se frottent le visage avec des produits de droguerie.

Mais, malheureux, c'est sur vous que doivent retomber ces railleries ; il fallait vous contenter de ce que nous pouvions vous offrir, ne pas demander plus que nous n'avions, ne pas exiger trois mètres de chevelure lorsque le ciel ne nous en avait donné en partage que soixante-dix centimètres ! Ah ! tenez , peut-être avezvous raison de nous reprocher nos faiblesses, car en vérité vous ne les méritez guère, et si nous trouvions moins mal...

Le magasin du Peigne d'Or vient de recevoir de Paris une collection de repentirs de toutes nuances et des chignons d'une forme ravissante ! Je ne saurais trop engager mes lectrices à profiter de cette bonne fortune, il n'y a vraiment que le magasin du Peigne d'Or pour répondre ainsi à toutes les élégances.

Baronne DE MIRAFLORE.

Contenu textuel de l'image : GAZETTE DE LA MODE
Contenu textuel de l'image : Il me plaît aujourd'hui de m'occuper des hommes; non point que le sujet soit des plus intéressants, mais ces messieurs se livrent assez souvent à des railleries sur nos pauvres petites toilettes, pour qu'il nous soit permis d'examiner de quelle façon ils se fagottent.
Contenu textuel de l'image : A dire le fond de ma pensée, l'homme n'est pas beau, — il est même laid.
Contenu textuel de l'image : Cela a de grands pieds, de grosses mains, des mouvements raides, anguleux, la peau rude, les cheveux courts et du poil sur la figure.
Contenu textuel de l'image : Il était donc de toute nécessité de relever par les agréments du costume cet ensemble peu séduisant; alors les hommes de notre temps ont imaginé de s'enfiler les jambes dans des fourreaux qu'on nomme pantalons; de se mettre sur le dos un vêtement terminé par deux pans, et qui, selon que ces pans sont pointus, carrés ou ronds, s'appelle habit, redingote ou jaquette; de serrer leur cou dans un carcan dit faux-col, et de surmonter le tout d'un chapeau entièrement noir à qui on a justement infligé l'épithète de cornet de poêle; il y a même, je crois, d'autres noms (1).
Contenu textuel de l'image : Voilà quelle est la base immuable du costume masculin, et toute l'imagination des inventeurs de modes consiste à dire ceci :
Contenu textuel de l'image : — Cette année les pantalons seront larges, les habits longs, les chapeaux hauts.
Contenu textuel de l'image : Cette autre, - les pantalons seront collants, les paletots courts et les chapeaux bas.
Contenu textuel de l'image : Hier, les hommes portaient des redingotes dont les pans essuyaient les talons de leurs bottes, — aujourd'hui des paletots courts, assez pour laisser à découvert des choses incroyables.
Contenu textuel de l'image : Et on nous accuse de nous décolleter I
Contenu textuel de l'image : Il est résulté de ces accoutrements bizarres, des caricatures assez bien réussies, car je ne pense pas qu'il soit possible de rencontrer quelque chose de plus profondément ridicule que les parfaits élégants du moment avec leurs chapeaux plats et leurs vestes d'écurie ; — la plupart d'entre eux, quoique affligés de jambes mal redressées, ont des pantalons tellement collants qu'on se demande avec inquiétude comment ils s'y prennent pour y entrer.
Contenu textuel de l'image : Aussi cela fait vraiment rire de voir le sexe à qui nous devons nos maris se moquer de nos colifichets qui, Dieu merci, témoignent d'un peu plus de bon goût.
Contenu textuel de l'image : D'ailleurs, pourquoi le cacher, - nous avons cet avantage immense de communiquer à nos parures la grâce dont la nature nous a douées, -- ce à quoi les hommes ne sauraient prétendre par les motifs déduits
Contenu textuel de l'image : à mon deuxième alinéa ; -- qu'un chapeau soit grand à y planter des arbres de hautes futaie comme jadis, ou petit à ne le voir qu'au moyen d'un microscope comme aujourd'hui, — il ne sera jamais laid si dessous on découvre un agréable minois, qu'elle soit longue ou courte, large ou étroite, une jupe paraîtra toujours d'une forme irréprochable si elle est un peu bien habitée.
Contenu textuel de l'image : Le curieux, c'est que les choses qui prêtent le plus matière aux critiques des hommes sont précisément celles dans lesquelles ils font consister notre principale beauté, et nos attraits les plus irrésistibles.
Contenu textuel de l'image : Aussitôt qu'un monsieur s'est senti une inclination tendre à l'endroit d'une femme, il lui a tenu le langage suivant : — « J'aime ta taille de guêpe, ton cou de cygne, ton teint de lys et de rose, tes longs cheveux où ma main se noie. »
Contenu textuel de l'image : Et nous, bonnes comme pâte, pour avoir cette taille de guêpe, ce teint de lys et de rose, et cet océan de cheveux, nous nous sommes étranglé la taille dans des corsets, barbouillé la figure de poudre de riz et de carmin, et nous avons acheté des chignons qui coûtent trente-cinq francs.
Contenu textuel de l'image : Puis les hommes reconnaissants, ont imprimé dans toutes les feuilles publiques: — Décidément les femmes sont des êtres singuliers, elles se serrent à étouffer, prennent leurs cheveux dans les boutiques des coiffeurs et se frottent le visage avec des produits de droguerie.
Contenu textuel de l'image : Mais, malheureux, c'est sur vous que doivent retomber ces railleries ; il fallait vous contenter de ce que nous pouvions vous offrir, ne pas demander plus que nous n'avions, ne pas exiger trois mètres de chevelure lorsque le ciel ne nous en avait donné en partage que soixante-dix centimètres ! Ah ! tenez , peut-être avezvous raison de nous reprocher nos faiblesses, car en vérité vous ne les méritez guère, et si nous trouvions moins mal...
Contenu textuel de l'image : Le magasin du Peigne d'Or vient de recevoir de Paris une collection de repentirs de toutes nuances et des chignons d'une forme ravissante ! Je ne saurais trop engager mes lectrices à profiter de cette bonne fortune, il n'y a vraiment que le magasin du Peigne d'Or pour répondre ainsi à toutes les élégances.
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