ZIGZAG AUX THÉÂTRES
FROUFROU
Suite.
TROISIÈME ACTE
Même décor.
Cinquième toilette de Froufrou : costume de tulle blanc semé de pandeloques or sur fonds crème ; dalmatique à traîne sans manches, en peluche loutre bordée de castor et ornée du haut en bas, de chaque côté, de neuf agrafes très larges en soutache crème. Corselet de peluche loutre lacé sur le devant. Epaulettes de tulle garnies de pandeloques en or.
On connaît la fameuse scène dans laquelle Froufrou reproche à sa soeur de lui avoir enlevé l'affection de son mari, de son enfant, et sa place au foyer pour finir par s'enfuir avec Valréas. C'est ici que le succès commence à se dessiner bien franchement .
Le dégel est complet, et Sarah Bernhardt commence à être acclamée par les plus rétifs. Les larmes coulent pour de bon et envahissent le rez-de-chaussée sous forme d'inondation lacrymale. Les ouvreuses font passer aux spectateurs de l'orchestre des ceintures de sauvetage et des bouées.
QUATRIÈME ACTE
A Venise. — Venezia la Bella pour les touristes.
Magnifique salle aux portes sculptées, aux colonnes de marbre. A gauche, par trois baies donnant accès à un balcon, on voit la ville et le Lipo. A droite, en pan coupé, un petit salon d'entrée. Mon compliment en passant à M. Derembourg, qui s'est occupé personnellement de la mise en scène de tous ces tableaux et y a montré beaucoup de goût. On voit que c'est un homme d'intérieurs.
Sixième toilette de Froufrou : Costume de drap gris d'acier tordu au-devant du corsage. Manches de peluche gris d'acier. Dos de corsage et jupe en satin gris d'acier broché de fleurs plus foncées. Au corsage, le long de la torsade, garnitures de pampilles gris foncé.
Marie Kolb obtient un franc succès de rire en racontant l'histoire de la chambre d'auberge avec tous les Poniatowskis peints sur le papier des murailles.
La scène entre Froufrou et son mari vaut à Sarah Bernhardt et Marais une triple salve d'applaudissements. Les larmes débordent de plus en plus, et l'inondation envahit les baignoires. De nombreuses barques arrivent au secours des spectateurs, qui refusent absolument d'abandonner leurs places avant la fin.
CINQUIÈME ACTE
Succès pour Lafontaine, qui commençait à en avoir besoin. La scène de mea culpâ près de Satoris est très applaudie.
Septième toilette de Froufrou : Costume complètement noir, très simple. On voit que la pauvrette sait ce qui l'attend à la fin de la pièce. Elle porte déjà son deuil. Après tout, c'est encore une sage économie, sa soeur pourra porter ses vêtements sans envoyer les siens chez le teinturier.
Ici, le triomphe final pour Sarah Bernhardt et Marais. La mort de Froufrou est rendue avec un art si touchant que l'on n'entend plus que des sanglots féminins et des nez masculins qui se mouchent. Au moment où la pièce finit sur une ovation formidable et des rappels innombrables, l'inondation est devenue déluge, les larmes ont atteint la hauteur de la seconde galerie, et certains spectateurs font des appels désespérés avec leurs mouchoirs trempés. Enfin, on signale l'arrivée des sapeurspompiers et des pontonniers. La Porte-Saint-Martin est sauvée ! Merci, mon Dieu ! Le Voltaire.