Une nouvelle infamie
Il y a quelques jours, c'était le 31 août, la citoyenne Valentine. Clairiot fut assaillie d'une manière honteuse par trois bandits, gui la saisirent violemment, la renversèrent à terre, et finalement se disposaient à l'entraîner dans le bois de Vincennes; pourquoi faire ?
On frémit d'indignation à ce point d'interrogation gui se pose ! Pourquoi faire ? Ah, ! on le sait maintenant, ce qu'ils voulaient faire de cette femme de prolétaire les coquins ! Ils voulaient probablement la mettre au fait du nouveau métier auquel, ils la prédestinaient.
Tout d'abord, il semble que la magistrature devrait sévir vigoureusement contre un pareil outrage , Eh quoi ! Trois hommes, trois bandits armés de triques se ruent sur une jeune femme et l'entraînent du côté d'un bois; les compagnes de la malheureuse Valentine Clairiot font ce qu'elles peuvent pour délivrer leur amie, elles sont repoussées à coups de bâton et ce combat se prolonge jusqu'à l'arrivée... de la police peut-être?
Allons donc! naïfs, à qui viendrait cette pensée. Cinq braves citoyens se portent sur les lieux de la lutte, s'emparent de deux des vauriens en train d'accomplir leurs prouesses de lâcheté et... les conduisent au bureau du commissaire de police.
Les citoyens libérateurs de la pauvre.Valentine font leur déposition, les deux gredins qu'ils avaient amenés iâ font la leur aussi.
Ce devait être certainement quelques forçats en rupture de bans, quelques rôdeurs de barrière comme il en passe quelquefois en police correctionnelle avec 15 ou 16 condamnations? Point du tout! tous deux sortirent tranquillement de leur poche une carte d'agent. Agent de quoi? agent des moeurs !! et cela a suffi pour leur ouvrir, grande, la porte du commissariat que, légalement, ils n'auraient dû franchir que menottes aux mains et bien escortés.
Agent des moeurs ! à ces mots, tout tombe, et la colère du commissaire de police et les foudres de la justice. Et dire que jusqu'à ce jour nous n'avons pas songé sérieuse- ment a écraser cette vermine-là !
La. citoyenne Valentine Clairiot a rédigé une plainte adressée au procureur de la République, plus de 40 témoins de cet ignoble forfait l'ont apostillée de leur signature;
cela était bien inutile, car dans quelque temps, on parlera de l'attentat Clairiot, comme de l'attentat Eyben et Bernage, et comme pour ces deux derniers il ne sera fait jus,
tice qu'au jour de la grande justice révolutionnaire.
La police des moeurs, la prostitution ont dit et disent encore les gros bonnets du gouvernement,
sont un mal, nous le reconnaissons, mais un mal nécessaire. Ah ! nous comprenons que pour vous ce mal soit nécessaire ; car il faut bien, n'est-ce pas, que votre activité corporelle s'épuise d'une manière ou d'une autre, et comme ce n'est pas au travail que vous la dépensez cette activité, vous êtes trop fainéants pour cela, vous trouvez bon, après manger et boire, quand vous avez la bedaine pleine et les joues enluminées par l'alcool, d'aller un instant vous vautrer dans l'orgie que vous a préparé... la police des moeurs !
C'est pour cela que vous laissez tout faire, c'est pour satisfaire vos
passions bestiales que vous.soudoyez des coquins gui ne craignent pas de traîner et de terrasser nos femmes ou nos soeurs !
C'est pourque, dans vos moments
de lubricité, vous ayez toujours, sans presque vous déranger, des machines à plaisir ! C'est bien pour cela, dites? c'est bien pour cela, puisque vous l'avouez vous-mêmes, Ah ! toutes ces infamies sont nécessaires, dites-vous ! Nous pourrions vous prouver le contraire, mais pour le moment, nous voulons bien dire comme vous.
Ce mal est nécessaire ! Eh bien, puisqu'il est impossible de s'en passer, nous vous disons : Depuis que l'impôt de la chair à plaisir existe, c'est nous, classe de prolétaires, qui payons. Aujourd'hui que nous sommes décidés à nous débarrasser de votre autorité et que la Révolution , est imminente, nous vous avertissons que ce jour-là nous changerons le personnel des lupanars, lieux de plaisirs et de débauches, vos endroits favoris, et ils ne contiendront plus de filles ou de soeurs d'ouvriers, nous les remplirons de filles de barons de la finance, de nièces de marquis, de jeunes soeurs de banquiers, etc.; nous les remplirons des vôtres, entendez-vous saligauds que vous êtes. Et alors ce jour-là, si vous continuez à dire : c'est un mal nécessaire; avec vous, nous dirons encore : oui.
Les citoyennes Eyben, Bernage et Valentine Glairiot seront ven- gées, car la tourmente révolutionnaire
passera par là comme ailleurs, et vous le savez, le nombre est innombrable de ceux qui crient: Vengeance !