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                         DEPUIS LA REPUBLIQUE.                          629
  et de paraître a élevé les besoins au-dessus des produits légitimes d'uù
  travail régulier, il a fallu chercher des ressources plus promptes, pro-
  voquant plus d'espérances, et, par compensation, plus de périls. L'a-
  giotage détourne l'activité au préjudice de la bonne industrie; il lui
  enlève des capitaux nécessaires, car il n'y a point de jeu sans enjeu ;
  et, avec ces capitaux, il ne produit rien. Tout bénéfice résultant de
  l'agiotage n'est qu'un déplacement de la richesse, bien plus, une des-
  truction de la richesse. Jamais le jeu fictif sur les denrées ou mar-
  chandises n'a fait remuer ni vendre un hectolitre d'alcool, ou une
  tonne d'huile, ou un sac de blé. Toutes ces opérations, lors' même
  qu'elles se forment sous le nom d'une denrée utile, ne remuent en
  réalité que du papier ; tout ce mouvement par milliards, sur les che-
  mins de fer, qui devait couvrir la France d'un réseau complet, n'en a
  exécuté, après tant de fracas, que quelques centaines de lieues, à des
 conditions exorbitantes pour l'Etat, et partout ailleurs, les compagnies
 ont été contraintes de déclarer leur impuissance.
     Nous venons de peindre d'une manière bien faible et bien insuffi-
 sante le mal économique qui dévorait la société française, à l'apparition
 de la République. Cette grande secousse n'a abattu que ce qui était
 déjà gravement vicié, et, les véritables richesses économiques de la
 France sont restées intactes. La République ne nous a point enlevé
 notre sol fécondé par les travaux de vingt siècles. Notre appareil de
 grandes voies de communication, nos routes, nos canaux, nos fleuves
 endigués, nos chemins de fer ont une valeur réelle, qui ne dépend pas
 des cotes variables de la Bourse ; il nous reste nos fabriques, notre or-
 ganisation industrielle, notre population industrieuse, nos traditions,
 notre science, nos épargnes. De capitaux, il n'a disparu que ceux qui
 n'existaient que facticernent. La France a donc encore tous les élé-
 ments de sa prospérité, et tous les moyens de les mettre en œuvre. Qui
 donc y ferait obstacle ? La liberté politique n'est pour un peuple que ce
que le droit de disposer de soi-même est pour un individu, c'est-à-
dire la faculté de diriger ses actes, suivant les lumières de sa raison,
et de pourvoir à ses intérêts légitimes, suivant son libre arbitre. Or,
une telle position est la condition de tout perfectionnement dans les
voies matérielles, aussi bien que dans les voies morales.
    L'avènement de la République a été suivi de désordres; il n'en
pouvait être autrement. L'édifice monarchique, tout vermoulu et
ébranlé qu'il était, n'a pu s'écrouler, sans soulever un amas de pous-
sière. Nous avons eu les troubles de la rue ; nous avons eu l'égare-
ment des utopies qui ont prétendu enchaîner violemment la société Ã