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512                        LE CHEMIN DE FER

    Aujourd'hui M. Bineau a changé tout cela, et, de sa propre sagesse
et de sa science certaine, il vient déclarer que cette longue élaboration
des conseils du pays n'avait abouti qu'à une erreur, et que le véritable
intérêt général, plus celui de la Compagnie de St-Etienne à Lyon, de-
mande que le chemin de fer soit transporté sur la rive droite, par Per-
rache, Givors et Condrieu. Et vite le plus joli traité du monde est
bâclé en un clin d'œil avec les administrateurs de la compagnie de
Saint-Etienne. Qu'on n'ait tenu aucun compte de la loi qui exige des
enquêtes préalables à l'établissement des travaux publics; qu'on ait
foulé aux pieds la loi de 1845 qui avait déterminé la direction du tracé,
qu'on fasse litière des intérêts fondés sur cette loi, des transactions
nombreuses qui s'appuyaient sur la protection de son statut, rien de
plus simple ; c'est trop facile à comprendre.
    On sait bien à Lyon que les traditions de la grande époque sont re-
venues ; et, de si haut qu'il plane, le regard puissant du ministre n'en
pénètre pas moins tous les détails, tous les faits secondaires de la vie
locale. Qu'est-il besoin de ces enquêtes bavardes > de ces formalités
procédurières, de ces caquets des corps administratifs des localités in-
téressées ? Par la seule inspiration de son génie, le ministre tranche de
loin, et tout est dit.
    Les bonnes gens de Lyon vont se demandant quelles bonnes rai-
sons ont pu déterminer le ministre dans cette préférence singulière
du tracé par Givors et Condrieu, sur la direction par la Guillotière et
Vienne, quels puissants motifs avaient entraîné le rapporteur à sanc-
tionner cette volte-face aussi soudaine qu'imprévue.
    Est-ce l'économie ?
    Mais M. Vitet nous apprend que le tracé par la rive droite coûtera
aussi cher que celui par la rive gauche.
    Est-ce un produit supérieur?
    Mais la Compagnie de Saint-Etienne encaissera la recette de la cir-
culation de Perrache à Givors, et les pertes seront pour l'Etat ou pour
la Compagnie de la ligne principale qui doit garantir l'intérêt du prêt
 de 11 millions qu'on lui impose, au profit de sa sœur bien-aimée. Elle
 doit, en outre, payer les frais de garde et de surveillance, établir à ses
 frais les gares et stations de Perrache et Givors, traverser le Rhône à
 Condrieu, comme on l'aurait traversé à la Guillotière. A l'une les pro-
 fits] mignons, à l'autre les sinistres et les déficits ; à celle-ci les fa-
 veurs du tracé, à celle-là les rigueurs de la loi commune.
    Est-ce la supériorité de la voie ferrée d« la rive oocidentale sur le
 projet par la rive gauche?