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496                       LE CHEMIN DE FER

jeu et de la spéculation? 11 est à craindre, par malheur, de voir re-
tomber l'Assemblée nationale dans les mêmes errements que les esprits
sages ont reproché aux Chambres du dernier gouvernement. Ne
songe-t-on pas à ressusciter les grandes compagnies financières et
leur papier-monnaie? Au moins, après la banqueroute de Law, le
pouvoir qui dirigeait la fortune publique fut-il guéri de la fièvre du
Mississipi, et les assignats de 93 ont, à leur tour, dégoûté la génération
suivante des fictions financières ! Pourquoi donc vouloir jeter sur le
marché encombré cette masse d'actions, lorsqu'on s'est effrayé d'y
verser les bons hypothécaires ? La cédule foncière avait cependant l'a-
vantage, éminemment moral, de se refuser aux variations aléatoires
que l'incertitude des produits favorise nécessairement dans les titres
de chemins de fer.
   Bientôt la représentation nationale sera appelée à se prononcer,
après de mûres délibérations, sur le système qu'elle entend inaugurer,
dans notre pays, pour la confection des grands travaux d'utilité pu-
blique, à l'occasion de l'achèvement du chemin de fer de Paris à Lyon,
à Avignon, ou mieux de la Manche à la Méditerranée.
   La lamentable histoire de cette ligne est trop connue ici, pour que
nous voulions en rappeler les péripéties diverses, les décadences et
les grandeurs, les jours brillants et les nuits sombres. Ce serait rou-
vrir, dans notre ville, trop de plaies mal cicatrisées, et ranimer trop de
colères mal assoupies.
   On pouvait dire que le tracé de jonction de la mer du Nord à la mer
du Midi était le véritable diamètre du cercle national. M. Dupin le pré-
sentait comme la colonne vertébrale du système ferré, sur laquelle
devait s'embrancher les arrêtes secondaires. C'était à qui, dans une
humeur pindarique, exalterait le plus haut cette ligne-mère, ce courant
commercial de-la France, cette grande route de l'orient à l'occident.
Toujours est-il que, malgré le luxe de métaphores dont on avait orné
la ligne de Paris à Lyon et à la mer, ce fut la dernière sur laquelle on
ait porté la pioche. En vertu de la loi de 1812, on commença la jonc-
tion de la Manche et de la Méditerranée, en travaillant, à mi-chemin,
à la section de Dijon à Châlon. Cette imaginative peut paraître bizarre
maintenant, mais elle entrait clans le plan gouvernemental du mo-
ment : je ne sais trop à quel député de l'endroit on offrit ce petit
bijou, et l'honnête et reconnaissant mandataire politique en fit hom-
mage à ses électeurs.
   En 1845, alléchés par les succès de quelques chemins de fer, les
monteurs d'affaires se mirent à cultiver la prime en grand. Plus de