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                   CHRONIQUE                 MUSICALE.




    On accourt, on s'enfuit : on se menace, on se bàtonne. Les coups pleuveut,dru
comme grêle, sur une vieille échine musulmane. Qui les donne? Vous êtes trop
curieux ; mais voici, du moins, un talisman certain contre ce déluge maudit. As-
surez-vous ! assurez-vous! c'est la bagatelle de vingt mille boudjons! —Vingt
mille ! c'est bien cher. Si je vous donnais ma fille? — Va pour la fille. — Tenez,
payez-vous. Mais hélas ! quelqu'un avait déjà pris hypothèque dessus.
    Second acte : La fille tâche de dépister l'importun poursuivant. Elle se fait don-
ner d'avance une idée du mariage..,. Rassurez-vous ! ce n'est que par une femme.
Ne vous rassurez pas trop ! c'est par une modiste parisienne. — Les quatre amou-
reux se trouvent en présence, flanqués de l'harpagon rossé. Ils ne veulent pas dé-
mordre ; il ue veut pas débourser.... Marlin-bâton fait sa rentrée par une roulade
plus furieuse que jamais. Tout cède, tout s'arrange. Les boudjons changent de
poche ; et chaque couple se reforme, suivant les lois passionnelles de l'école har-
monienne.
    Commencez-vous à saisir? — Ma foi, non!—Eli bien ! prenez ma jumelle. Que
 voyez-vous sur la scène?— Demandez-moi plutôt ce que je n'y vois pas. Tous les
types, de l'eunuque au tambour-major. Toutes les nuances de peaux, depuis la gri-
sette jusqu'aux nègres. Tous les instruments, y comprise, je crois, la trompette du
jugement dernier. Un coiffeur, une odalisque ; Birotteau et Aboul y far. Des lan-
ternes, des éventails, des bonnets à i fr. a5 du passage du Saumon. Le muezzin
logé à l'entresol, et un perruquier porté en palanquin. Enfin, la pommade du lion
et un flacon de Parfait amour !
    Comprenez-vous maintenant ? — Pas plus que tout à l'heure. Mais, qu'est ce donc
 enfin que cette valse infernale, cet imbroglio, ce tourbillon ? — Ce que c'est, je ne
 vous le dirai pas ; mais cela s'appelle le Caïd. Il paraîtrait même qu'il y a là de-
 dans beaucoup d'esprit. Voyez plutôt le marchand d'oranges qui s'étouffe de rire,
 et, aux avant-scènes, ces lèvres de rose gazouillant à l'envi le compliment du Maire
 de Meaux à Bilboquet.
    Sur ce pastiche, qui doit certes contenir des situations musicales, puisqu'il en
 contient de toute espèce, M. A. Thomas s'est piqué de faire une musique aussi lé-
 gère, aussi capricieuse, aussi coupée d'incidents que l'intrigue. Il a parfaitement
 réussi. Rien de plus vif, de plus original, en apparence, que ces streltes animées,
 ces provoquants appels de la flûte et des bassons, cette fougue si mouvementée qui
 distingue presque chaque phrase. Mais, retenez bien votre haleine, si vous voulez
 admirer de plus près. Château de carte sur château de carte, la partition comme