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n8 LA REVUE LYONNAISE Encore une œuvre d'écolier, le Jardinet de poésie, bien qu'indiquant un progrès sensible dans la manière de l'auteur. La fraîcheur est la même dans la pensée, mais le poète domine mieux son sujet et commence à diriger son imagination qui naguère l'entraînait. La phrase est plus nette, l'expression plus correcte et l'idée plus juste. Le Jardinet a été composé à cette époque, la plus heureuse de la vie, où la jeunesse et la destinée n'ont l'une pour l'autre que des sou- rires. Il y a des fleurs qui ne croissent que pendant cette période trop courte, qui est la vraie lune de miel de l'existence et qu'on apprécie seulement quand elle est terminée. Nous ne voulons pas dire que le Jardinet de poésie ne se compose que de chefs-d'œuvre ; tant s'en faut. Les meilleures pages ont des taches; il y a des puéri- lités et des redondances dans lesquelles il est aisé de voir l'influence de la littérature italienne déjà formée sur notre littérature naissante. Nous sommes en plein dans la période des paillettes et des concetti que les Italiens ont appelée le secentismo, par quoi ils ont voulu dési- gner l'épidémie d'esprit faux et de langage ampoulé et maniéré qui, vers l'an 1600, sévissait sur l'occident tout entier. Or, c'est juste en l'an 1600 que parut le Jardinet de poésie. Comment notre poète pro- vincial y aurait-il échappé ? Et comment ne serions-nous pas indul- gent pour ses défauts, qui sont ceux de son époque, en présence des qualités réelles que révèle son œuvre, et qui sont bien à lui ? La pièce suivante donnera à nos lecteurs une idée d'ensemble de la manière du poète, en même temps qu'elle fournit un curieux spécimen du goût de l'époque : LE COULOMBEAU A Monsieur Coulomb, lieutenant de Bailly au pays de Vivareis. C'est toy, c'est toy, gentil oiseau, Mon beau Coulomb, mon Coulombeau, Mignard à la pâte patue, Baisard à la bouche pointue, Qui sur tous bonheurs amoureux Monstre tes amours bien-heureux.