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       LA VIE ET LES OPINIONS DE CHRISTOPHLE DE GAMON           343

                     « Veux-lu voir, » luy dy-je alors,
                       « Des fleurs la merveille?
                     Voy dedans l'eau de ces bords
                       Ta face vermeille. »

                     Margoton, à ces doux mots,
                      Sa bouche me bousche,
                     Emportant loin de ces flots
                      Sa trace farouche.

                     « Margoton, puisque ton cœur
                        Est des plus volages,
                     Il fait bien d'aimer la fleur
                        Des herbes sauvages.

                     « Margoton, si tu estois
                       Quelque peu plus sage,
                     Pour ces fleurs tu cueillerais
                       La fleur de mon âge.

                     « La fleur des prez ne sauroit
                       T'estre profitable.
                     Mais l'autre fleur te donroit
                       Un fruit agréable. »

                     Plus je m'arreste en parlant.
                       Moins elle s'arreste ;
                     Et le seul flot se roulant
                       Parle à ma requeste.

   En passant de la première à la deuxième partie du Jardinet de poé-
sie, on éprouve la sensation d'un homme qui sortirait d'une fête
champêtre pour entrer dans un cloître. Le poète est loin, cette fois,
de Margoton. Voici l'avis au lecteur placé en tête de la Muse divine :
   « Ce que nostre esprit tient de la divinité fait que nous sommes
tenus de le reculer des choses humaines pour Taprocher des choses
divines. Cette maxime résolue a fait résoudre mon esprit, après
avoir floté par beaucoup de contours, de revenir à la mer de son
origine. Il y revient encore plustost qu'on n'eust pensé, et plus tard
qu'il n'eust deu. La piété est comme la santé, car elle ne nous arrive
jamais trop tost. Si ton ame aime encore les choses terrestres, elle