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308                      LA REVUE LYONNAISE

tacles, exige le concours d'instrumentistes d'élite et surtout de musi-
ciens sérieux.
   Toutes les célébrités, soit de Lyon, soit même des autres pays,
se faisaient un honneur*de contribuer à ces concerts intimes. Mus
par le seul amour du beau, et non par un calcul d'intérêt ou de pose,
ces artistes atteignaient des hauteurs que n'entrevirent jamais les
habitués des concerts d'apparat. Beaumann, Georges Hainl, Pontet,
Resch, je ne cite que les morts, y figurèrent longtemps, et je me
souviens, comme d'une féerie, des séances où Ernst et Sivori exé-
cutèrent et firent comprendre les plus incompréhensibles quatuors
de Beethoven, comme le sentiment profond de Mozart, les rêveries
 de Mendelsohn et la placide majesté d'Haydn.
    Tout cela n'est plus, les éléments sont désagrégés, et difficilement
 on les réunira de nouveau. Depuis quelques années, la santé de
 M. de Chaponay s'était affaiblie, ( i ) Quelques atteintes de surdité
 étaient survenues. Sa vue s'altéra et finit par s'éteindre. Il dut alors,
 sacrifice pénible, se séparer de ses co-exécutants, de ses auditeurs
 choisis, de sa collection si complète de musique et d'instruments.
 Cette dernière fut célèbre; on la regardait comme une des plus
 remarquables de l'Europe. Elle se composait des types les plus irré-
 prochables de Stradivarius, de Guarnerius, de Lupot, de Bergonzi,
 de Torate de Vuillaume, de Sylvestre, etc. Un autre sacrifice lui
 fut imposé, celui de sa bibliothèque, si riche en éditions rares et en
 reliures de tous les relieurs fameux, renfermant de ces livres introu-
 vables et cotés aujourd'hui à des valeurs fabuleuses. Elle fut vendue
 en 1863 ; et son catalogue, rédigé avec soin, est déjà une pièce
 recherchée.
    M. de Chaponay supporta ces déboires avec la sérénité et la rési-
 gnation d'un philosophe chrétien. Doué d'une instruction solide et
 de ce coup d'œil de l'homme supérieur qui sait faire de suite la part
 de la vérité et celle du paradoxe, il les envisagea avec calme et avec
 la conscience que son rôle en ce monde était fini. Alors il revint


  (1) Henri de Chaponay était né en 1812, fils de Joseph-Hugues-Suzanne de
Chaponay et de demoiselle de Gayardon de Grézolles.