page suivante »
306 LA REVUE LYONNAISE moins quelques peintures estimables; il fit don, entre autres, à la chapelle de l'Hôtel-Dieu de Lyon, d'un tableau représentant la résurrection de Lazare, lequel n'est pas sans mérite, bien que le peintre ait été contrarié dans son exécution par des critiques mala- droites. Ce tableau est, de plus, une bonne œuvre : d'une grande modestie, M. de Loras n'eût pas consenti à livrer au public une de ses toiles, qu'il ne peignait que pour sa propre satisfaction et pour les montrer à ses amis, si, en retour de ce travail, l'Administration de l'Hospice n'eût commandé le pendant à un artiste malheureux au- quel il s'intéressait. Ce pendant, c'est l'épisode du Samaritain, toile bien supérieure à celle de M. de Loras, comme composition et cou- leur. Elle est de M. Chabord, également élève de Regnault, et qui eut une certaine célébrité sous le premier Empire. Du reste, ce que n'oublieront jamais les nombreux amis qui l'ont connu et apprécié, et dont les rangs s'éclaircissent chaque jour, ce sont moins ses talents et sa naissance que les excellentes qualités de son cœur, le charme piquant de son esprit, son originalité de bon goût et de bon aloi et cette exquise urbanité, qui semble avoir été un des derniers privilèges de l'aristocratie. Ses voyages l'avaient rendu familier avec plusieurs langues, et il sut profiter de cet avantage. Il publia, en 1821, une excellente tra- duction de Sappho, par Grillparzer. Mais cette ardeur pour les dépla- cements lui devint funeste. Poussé par le désir de retrouver quelques souvenirs de jeunesse, il entreprit une excursion dans les montagnes de la Sicile. La fatigue de la marche, sous un ciel ardent, altéra ses facultés intellectuelles. Il perdit presque subitement la mémoire des choses actuelles. Il est resté longtemps en cet état, sans souffrances, mais étranger à ce qui se passait autour de lui, ne vivant que dans les souvenirs du passé, mais irayant rien oublié des choses ni des hommes d'une autre époque. Ainsi il s'est éteint, au milieu de sa famille, ruine et témoignage de ce qu'avaient vu et pensé les géné- rations précédentes.'