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LA REVUE LYONNAISE Oh ! dans le noir wagon l'horrible nuit passée ! Sur le dur banc de bois, dans un coin affaissée, Comme elle médita sur son sort anormal ! Ses pauvres seins gonflés de lait lui faisaient mal. Et là -bas son enfant, éveillé dans sa couche, Réclamait à grands cris, et cherchait de la bouche. Ce giron où l'on boit ht vie avec le lait, Premier asile humain duquel on l'exilait, (i) C'est la nature humaine saisie dans sa plus grande expression, dans un cœur de mère. Mais l'autre côté de l'œuvre divine, la nature physique, celle qu'a chantée Lamartine et dont Victor de Laprade a été comme le prêtre, la nature n'a-t-elle point sa place dans ces villes où les demeures qu'élève la main de l'homme sont faites pour être en harmonie avec le ciel et le paysage qui les encadrent. Les cités ont leurs grands aspects, et Paris offre des points de vue incom- parables. Un amant enthousiaste des montagnes dira que la foule passe devant ces spectacles sans les voir; mais est-ce seulemenr le lot des capitales? Que de gens, en présence des glaciers des Alpes, vont promener devant ces sites sublimes leurs vices, leur ennui et surtout leurs ridicules ! Le poète aussi, Vers ces bords où la Seine abandonnant Paris Semble de ces beaux lieux où son onde serpente S'éloigner à regret et ralentir sa pente, peut opposer l'émotion que lui cause ces admirables perspectives avec l'indifférence des passants affairés et vulgaires. Coppée l'a fait avec une grande finesse dans un de ses Contes en prose, où il dépeint ce qu'il appelle avec justesse l'heure exquise, le soleil descendant derrière les coteaux de Meudon et envoyant aux splendides quais de la Seine ses reflets dorés. Pas un passant ne s'en inquiète. Tous parlent de leurs affaires et de leurs plaisirs ou sont plongés dans un journal, tandis que l'unique contemplateur demeure « tout fier et tout troublé en songeant que le soleil s'était couché pour lui tout (i) Les Humbles. — La Nourrice.