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ÉPIGRAPHIE LYONNAISE 21 le même nom que lui. Son surnom Julla ne permet en aucune ma- nière de la prendre pour une affranchie de son mari. Elle était cer- tainement de condition ingénue. Le tombeau a été fait par ses enfants pour son mari défunt et pour elle-même non défunte. Beaucoup plus que nous, les anciens attachaient une grande importance à n'être pas privés d'un tombeau après leur mort. Offrir à une personne vivante sa future sépulture, lui élever un tombeau sur lequel elle avait, pendant de longues années encore, le plaisir de lire son épitaphe gravée d'avance, était une atten- tion gracieuse et tout à fait méritoire: un témoignage de haute piété filiale de la part des enfants; de piété conjugale, de la part de l'un des époux; d'affection dévouée, de la part d'un ami. Les exemples sont en nombre infini. Les enfants de Sennius sont dits dans le texte : « fils et héritiers ». Les enfants étant de droit héritiers de leurs parents, cette désigna- tion d'héritiers semble superflue. Une circonstance particulière, que l'épitaphe nous laisse ignorer, une émancipation par exemple, pouvait avoir modifié la situation légale de quelqu'un des enfants ; le père aurait alors remédié au cas par une institution testamentaire. Mais peut-être la qualification d'héritiers n'a-t-elle ici d'autre motif que l'importance de la fortune laissée par Sennius ( i ) . (i) Les enfants de Sennius sont dits dans le texte « Fils et héritiers. » Ce rapprochement des mots Filii et Heredes a paru surprendre quelques personnes. Les enfants, a-t-on dit, étant de droit héritiers de leurs parents, la qualification d'héritiers semble superflue. — Nous croyons qu'il n'est pas impossible de justifier la formule de notre inscription, formule que l'on trouve également sur d'autres tombeaux du musée, notamment sur la tombe de M. Primus Secun- dianus (i). Plusieurs textes du droit romain nous disent expressément que le fils est hères suus et necessarius (2) ; mais ce titre d'héritier sien et nécessaire ne lui est donné que lorsqu'il est soumis à la puissance paternelle. L'émancipation, en faisant sortir l'enfant de la famille civile et en rompant les liens d'agnation qui le rattachaient à son père, lui enlevait le droit de succéder à b intestat; il cessait d'être héritier légi- time. Lors même que son père, au moyen d'une institution d'héritier, l'aurait (1) Monfalcon, n° 142, Wilmanns, n° 2228. (2) Gaius, II, §§ 156-157 ; Ulpien, X X I I , § '24.