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                             LE CONTE                              597

puis aborder Méduse sans être aperçu par le regard du monstre,
qui l'eût pétrifié.
   On avait commencé à retoucher le mythe, signe qu'il était entré
en dégénérescence.
   Si le mythe de Persèe tourne au conte et le conte de l'Arioste
au roman, on vient de voir que dans l'Arioste le conte tourne
aussi à l'histoire, ou du moins qu'il comporte une donnée vague-
ment historique, ayant le nom de Gharlemagne pour centre.
   Le caractère mixte du conte lui permet en effet de confiner à
l'histoire, mais il ne le fait naturellement que dans sa mesure ;
comme il ignore profondément les faits réels, il ne leur prend que
ce qu'ils lui imposent, c'est-à-dire quelques situations assez écla-
tantes pour pénétrer jusque dans son domaine et assez romanes-
ques pour s'identifier avec les siennes, comme celle de la
chevalerie. Quant aux rois ou aux empereurs dont il finit par
adopter, non pas les exploits, mais les noms, il faut aussi que ces
personnages, Salomon, Alexandre, Gharlemagne ou Barberousse,
soient assez illustres pour se confondre, dans l'imagination popu-
laire, avec les héros ou avec les dieux.
   Ainsi, pour résumer ce qui précède, le conte, cher aux enfants
de tous les âges et aussi ancien que répandu, est d'ordinaire un
mythe humanisé, ou une combinaison de mythes humanisés. En
d'autres termes, c'est, une donnée romanesque extraite d'éléments
mythiques dont le sens est perdu et dont la forme est restée.




                          i il.   — LIMITES


   Au fond, et en définitive, la véritable place du conte est entre le
mythe et le roman. Presque aussi merveilleux que le premier,
presque aussi humain que le second, il tire sa forme et son charme
de cet état intermédiaire, entre ciel et terre, si l'on peut dire, qui
le relie à deux de nos sentiments les plus puissants, la religion et
la sympathie, et qui lui permet de toucher à la fois à presque
tous les genres, sans s'attacher à aucun.