Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
 590                   LA REVUE LYONNAISE
 çoive aujourd'hui quels chemins ils auraient pu prendre, et de
 quels intermédiaires ils auraient pu se servir. Ainsi, la fable des
 Sirènes était commune à la Grèce, à l'Irlande et à l'Allemagne, ce
 qui n'est pas surprenant; mais que dire quand on constate que la
 ballade où Goethe dépeint si poétiquement le pouvoir fatal de
 l'Ondine, n'aurait rien appris aux indigènes de Madagascar? Que
 dire quand-on voit l'histoire de Cendrillon aussi familière -aux
 Egyptiens qu'aux Hindous ? Faut-il simplement reconnaître son
 ignorance et l'impossibilité actuelle où l'on est d'adapter une expli-
 cation plausible à des singularités de ce genre? Car il semble vrai-
 ment que la littérature des contes ait eu sa Tour de Babel et sa
 dispersion miraculeuse sur toute la surface du globe.
     Il y a là sans doute une difficulté, mais elle n'est point insoluble,
  et l'on a déjà mis en avant plusieurs causes pour le fait à éclaircir,
  par exemple, l'existence possible de traductions littéraires, servant
  de véhicules à certains contes, ou bien l'esclavage transportant
  un peu partout, grâce aux femmes, les récits enfantins des diffé-
 rentes races; toutefois, de semblables explications, valables en
 certains cas, n'ont point l'ampleur nécessaire pour rendre compte
 du remarquable phénomène dont il s'agit, l'ubiquité des contes, et
 elles laissent subsister une interprétation plus compréhensive, fon-
 dée sur l'analogie.
     Dans le domaine des mythes, très voisin de celui des contes, on
 a déjà remarqué chez différents peuples des coïncidences singu-
 lières au premier abord, mais explicables à la réflexion par le
 motif que voici : le fond d'un mythe est généralement une méta-
 phore suscitée par un fait, et le fait générateur du mythe suggé-
 rera plutôt, chez les spectateurs, la même image que des images
 différentes.
    C'est ainsi que, presque partout, les nuages et les ténèbres ont
été considérés comme des monstres engloutissant la lumière ; que,
par suite de cette idée, les éclipses de lune ou de soleil ont passé
presque partout pour être produites par un monstre en train d'avaler
l'astre, et que, presque partout aussi, on a cherché à effrayer ce
monstre en lui faisant un charivari. Ces conceptions sont assez
naturelles pour qu'on n'ait pas besoin de supposer une entente
entre les peuples qui les possèdent. L'exemple ici n'a rien d'em-