page suivante »
EPIGRAPHIE ROMAINE 531 ! A peu de jours de là M. Blanc quittait son poste de bibliothécaire de la ville de Nice et même le pays. Puis, paraissait dans le Bulletin critique du 15 dé- cembre 1883, une déclaration de M. Anatole de Barthélémy faisant connaître que la Commission do topographie des Gaules, — bien avertie cependant par M. Adrien de Longpérier,— avait été, elle aussi, dupe confiante pendant plusieurs années. C'est seulement en septembre 1881, qu'elle commença à s'apercevoir, « étonnée, « soupçonneuse que le texte est, à ce qu'il semble, assez maladroitement in- « venté ». Que ne s'est-elle donc tout de suite empressée de parler, cette Com- mission si bien avisée, au lieu d'attendre la publication dans notre Revue des lettres dénonçant la fausseté du texte aussi bien que du récit de la découverte? elle aurait au moins évité à M. Duruy de faire à une inscription fausse les hon- neurs de sa magnifique Histoire des Romains. Mais il faut croire que son atten- tion aura été alors distraite par ses grands et féconds travaux ! C'est bien dommage de ne pas être tant soit peu vaudevilliste ! Le sujet, certes, en vaudrait la peine. M. Blanc qui s'esquive au moment décisif, et cette précieuse Commission qui se précipite, le cri d'alarme à la bouche, avec deux ans et plus de retard, quelle riche parallèle et quelle bonne et amusante scène pour la tom- bée du rideau!... Tel est le dénouement de la ridicule équipée d'Ahenobarbus. On trouvera peut- être qu'il n'est pas tout à fait ce qu'il eût dû être. On se serait attendu à ce que ceux, qui, en 1879, ont pris publiquement la parole pour patronner l'authenti- cité de l'inscription, encensera outrance l'inventeur de la pierre, diriger contre le savant éminent qui avait condamné le texte une sorte de diatribe, auraient accepté avec courage le devoir de déclarer loyalement qu'il s'étaient trompés. On pourra regretter aussi que M. Blanc ait perdu par sa faute et par une juste mais dure punition, une place que lui avait valu de réels services rendus à la science. M. Blanc, loué pour son zèle archéologique par M. Mommsen lui-même, a parcouru péniblement dans tous les sens les Alpes-Maritimes, « fouillant les villages les plus écartés, quêtant les moindres vestiges épigraphiques ». Il a relevé un grand nombre d'inscriptions dont le recueil forme deux volumes. S'il a entièrement gâté ses mérites en cédant à la malhonnête tentation de frelater plu- sieurs textes, d'en inventer de toutes pièces quelques autres, par exemple Bibe et multos annos bibas qu'il prétend avoir lu sur un rocher d'où sort une fon- taine, c'est que, vivant dans un milieu peu scientifique et lui-même n'étant pas ungrand savant, —il décline amnes amnorum, Ventiensis Ventiensii, sextum- viris augustalis pour seviris augustalibus, etc., etc., — il n'a peut-être pas compris toute la portée de semblables falsifications et n'aura vu là que de spiri- tuelles gamineries. Il est équitable aussi de reconnaître que les éloges excessifs dont il a été l'objet ont dû singulièrement l'enhardir et même achever de le per- vertir en le forçant à marcher, bon gré, mal gré, dans la voie de perdition où l'avaient engagé son imprudence et son peu de probité. Eût-il jamais, sans ces encouragements, sans l'ivresse procurée par le succès inoui d'une mystification énorme réussie au comble, poussé la témérité et l'aveuglement jusqu'à fabriquer un fac-similé publié dans son second volume, et même, paraît-il, une inscription eu nature, puisqu'il en a envoyé un estampage et une photographie pris sur un moulage déposé par lui au musée de Cannes? Ce n'était vraiment guère la peine de l'avoir tant et si haut glorifié, tant paré de fleurs et de couronnes, d'avoir si !