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LA MORALE DANS LES FABLES DE LA FONTAINE 375 ne m'en suis servi qu'après Phèdre, et c'est en cela que consiste le bon mot, selon mon avis ». Si la sentence du juge est une plaisan- terie, il n'y a rien à dire. Toutefois j'observe, en passant, que les jugements rendus par d'autres magistrats mis en scène dans les fables de La Fontaine ne valent guère mieux que celui du singe. Dans la fable L'Huître et les Plaideurs, le juge avale l'huître et dit aux plaideurs D'un ton de président, Tenez, la cour vous donne à chacun une écaille, Sans dépens; et qu'en paix chacun chez soi s'en aille. La Fontaine, à la différence de Molière, n'a pas épargné les hommes de loi. On ignore pourquoi Molière qui s'est moqué de toutes les classes de la société et les a toutes traînées sur les planches, n'a respecté que la robe des hommes de loi. La Fontaine n'a pas imité sa réserve. Peut-être, eut-il affaire à eux et connut- il ce qu'il en coûtait. De son temps, pas plus qu'aujourd'hui, la jus- tice n'était à bon marché. Il semble en parler en connaissance de cause : Mettez ce qu'il en coûte de plaider aujourd'hui; Comptez ce qu'il en reste à beaucoup de familles ; Et ailleurs : Nous ne trouvons que trop de mangeurs ici-bas : Les uns sont courtisans, ceux-là sont magistrats. La Fontaine n'était pas étranger aux choses du palais. Il avait fait son droit et il parait que dans un acte il est qualifié d'avocat au Parlement. Il sait comment se discute une cause. Dans la fable Le Chat, la Belette et le Petit Lapin, les parties plaidant pour un terrier font valoir la coutume, l'usage, le droit de propriété fondé sur l'occupation, la tradition et l'héritage. Mais en vain elles invo- quent les dieux hospitaliers, la cause se termine toujours de même et Grippeminaud le bon apôtre, Jetant des deux côtés la griffe en même temps, Mit les plaideurs d'accord en croquant l'un et l'autre. Mieux vaut l'autre juge qui au moins ne dévore que l'objet dulitige. Faut-il se récrier et dire que la jurisprudence de La Fontaine est