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374                     LA REVUE LYONNAISE
sure, il sut renfermer sa vengeance dans les vers d'une simple épi-
gramme.
   Dans sa vie, La Fontaine était l'homme le plus inoffensif pour
les autres et le moins pratique pour lui-même. Ami de l'étude, de
la nature, de la solitude, sans ambition vulgaire, a-t-il pu vrai-
ment, comme on le lui reproche, conseiller le mensonge, le mépris
des faibles, la haine des ennemis ?
   Pour être juste, il faut reconnaître que parmi ses détracteurs
beaucoup se sont mépris sur sa pensée. Est-il équitable, par
exemple, de lui reprocher, comme plusieurs l'ont fait, d'avoir
sacrifié la faiblesse à la force ? N'est-ce pas par ironie qu'il pro-
clame : « que la raison du plus fort est toujours la meilleure ; »
ou bien que « le loup n'a tort que quand il n'est pas le plus fort. »
   Parfois, si La Fontaine a formulé une de ces maximes qu'on
lui reproche, c'est uniquement parce qu'elle lui offrait l'occasion
de placer un bon mot. Telle est celle qui termine la fable Le Loup
plaidant contre le Renard par devant le Singe.

            Un loup disait que l'on l'avait volé :
            Un renard, son voisin, d'assez mauvaise vie,
            Pour ce prétendu vol, par lui fut appelé.
               Devant le singe il fut plaidé,
            Non point par avocat, mais par chaque partie.
                  Thémis n'avait point travaillé,
            De mémoire de singe à fait plus embrouillé,
            Le magistrat suait en son lit de justice.
                  Après qu'on eut bien contesté,
                     Répliqué, crié, tempêté,
                  Le juge instruit de leur malice,
            Leur dit : Je vous connais de longtemps, mes amis,
                 Et tous deux vous paierez l'amende :
            Car toi, loup, tu te plains, quoiqu'on ne t'ait rien pris,
              Et toi renard, a pris ce que l'on te demande.
               Le juge prétendait qu'à tort et à travers,
            On ne saurait manquer, condamnant un pervers.

  Amusant tableau de mœurs judiciaires, mais jugement déplo-
rable! La Fontaine a cru devoir s'en excuser lui-même dans une
note dont il fait suivre cette fable et que voici : « Quelques personnes
de bon sens ont cru que l'impossibilité et la contradiction qui est
dans le jugement de ce singe était une chose à censurer ; mais je