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             DECOUVERTE D'UN CHRIST EN BUIS                        297
tés et pardonnes tous les péchés des hommes. Toute l'antiquité a
cherché le moyen de purifier les âmes coupables, et ne l'a jamais
trouvé. Oreste, meurtrier de sa mère, parcourut la terre entière et
ne rencontra nulle part une divinité propice pour effacer son crime.
Jésus-Christ seul a résolu l'insoluble problème; et c'est cet acte
d'expiation et de réparation universelle que Jean Guillermin a re-
produit dans l'un et dans l'autre de ses ouvrages.
    Dans ces deux pages inspirées, il a écrit le même poème de dou-
leur et d'amour, d'angoisse et d'espérance, de repentir et de
pardon. Son génie, souverainement chrétien, a fait souffrir et
penser, trembler et aimer, désespérer et prier le Verbe de Dieu
fait homme. Tous ces sentiments opposés, qui se détruisent les uns
par les autres, fondus ensemble dans une suprême harmonie,
 s'échappent du corps entier du divin crucifié.
    Le moment de la passion qu'il a choisi est celui où la victime
 exhale de ses lèvres entr'ouvertes la plainte douce et terrible qui
 monte vers Je ciel : « Eli, Eli, lamma SàbakthaniX Mon Dieu,
 mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné? »
    Dans le buis comme dans l'ivoire, l'expression est saisissante ; à
 la fois d'une énergie intense et d'une suavité touchante, elle va au
 cœur et l'étreint dans une angoisse inexprimable. Celui qui a porté
 ses yeux sur cette douloureuse figure ne peut plus les en déta-
 cher. Jamais aucun artiste n'a mieux rendu ce drame mystérieux,
 qui se passe par moitié sur la terre et par moitié dans les
 cieux.
    Pour exécuter cette conception et rendre toute la vérité chré-
 tienne de la croix, le grand imagier a représenté le Christ avec sa
 double nature, divine et humaine, et il a figuré ces deux aspects
 sans que l'ensemble de la physionomie soit détruit.
    M. Rastoul,| dans son Tableau d'Avignon, décrit ainsi cette
 composition : « Du côté droit, les traits souffrent, la pupille de
 l'œil est fortement contractée ; une ride, profondément empreinte
 au-dessus du sourcil, trahit la nature humaine; faites un pas,
 regardez la partie gauche de la face : plus de douleur, rien de
 terrestre : le Dieu se révèle ; il s'élance vers le ciel. »
    Dans notre christ de Lyon, le double aspect, divin et humain,
 est encore plus sensible et plus énergiquement rendu. Mais l'ar-
      SEPTEMBRE 1884 - T. VIII                                19