page suivante »
208 LA REVUB LYONNAISE ger; en outre, ces amours à boule-vue sont, si je ne me trompe, médiocrement prestigieuses. Si le Gargantua de Rabelais, si l'ogre de Perrault, si le Gulliver de Swift « plaisent », c'est qu'ils sont « plaisants ». La différence entre ce verbe et cet adjectif a de quoi faire songer.... Ainsi, dans Y Atlantide, l'action est vague, les acteurs sont vagues, c'est le côté faible de cette épopée. Ou Verdaguer est lui, tout lui, rien que lui, c'est dans la des- cription. Oh ! là , dès le début, il convient de dire comme les personnages de Térence, à chaque fin de comédie : « applaudissez ! » Oui, applaudissez ; car jamais la poésie ne fut a ce point victo - rieuse de l'histoire, et de la musique et de la peinture... Qu'est-ce que l'intuition ? Un puissant coup d'œil jeté au passé ou à l'avenir. Le génie se souvient de ce qu'il devine; l'homme a deux yeux, le poète inspiré en a cent, comme Argus. Vous qui souriez, vous qui secouez la tête aux descriptions de Y Atlantide, vous n'avez pas raison. Votre doute est injuste. L'Atlantide était ainsi ; elle était ainsi, vous dis-je. Verdaguer a vu, de ses yeux vu, ce qui s'appelle vu. Ah ! si Hercule et Hespéris ne valent ni Adam et Eve de Milton, ni Armide et Renaud du Tasse, ni même Idaméel et Sémida de Soumet, combien le jardin des Hespérides est plus opulent et plus délicieux que le paradis perdu, que le jardin enchanté, et que le vallon d'Elèphanta ! A la vérité dire, ce n'est pas un décor d'opéra qui se déroule pour nous éblouir et nous tromper, c'est la nature prise sur le fait, c'est le jardin de la fable et de la tradition, avec son ciel, ses fleuves, ses prés, ses champs et ses oranges qui font venir l'eau à la bouche, et ses raisins si beaux et si frais qu'on a envie de se précipiter dessus comme les oiseaux de Zeuxis pour les croquer ! On m'appellera fantasque ; mais si quelque- « découvreur » de mondes venait me dire : « L'Atlantide existe, je l'ai retrouvée, la voici ! » Eh bien ! je regarderais à contre-cœur, appréhendant une désillusion. Le fait me forcerait à regretter le rêve. La flotte chargée d'or espagnol qu'Anglais et Hollandais cou- lèrent au commencement du siècle dernier, dans la baie de Vigo provoque de nos jours de nombreux projets : « Arrachons cette