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                 BALAZUG KT PONS DE BALAZUC                          117
chevaliers, aux armes étincelantes, au visage merveilleux, précé-
daient notre armée. Leur attaque était telle qu'ils ne laissaient
guère aux ennemis la faculté de combattre, mais lorsque les Turcs
voulaient les frapper avec leurs lances, ils apparaissaient invulné-
rables ». Une autre fois : « Ne passons pas sous silence ce fait re-
marquable. Dès notre sortie pour le combat, Dieu envoya sur
toute son armée, une pluie divine, petite, mais si agréable que
celui qui en fut touché, rempli de toute grâce et de toute force, et
méprisant les ennemis, et comme nourri de délices était au comble
de la joie. Dieu multiplia notre armée ; avant le combat, nous
étions les moins nombreux, et plus nombreux (nous fûmes) pen-
dant la lutte ». Comme on serait mal venu après ce naïf et char-
mant récit de croire à une de ces pluies rafraîchissantes qui après
une de ces torrides journées d'Orient est venue rafraîchir l'armée
et donner au soldat accablé, la force et le courage ! Combien est
plus naturelle sinon plus vraie, l'explication du pieux Raymond ?..
   Si l'armée chrétienne est au contraire vaincue, c'est à cause de
ses fautes, de ses manquements au Seigneur. « Et le Seigneur lui
dit : Tu diras ceci à l'Evêque : Le peuple m'a éloigné de lui par
ses mauvaises actions ; et pour cela tu leur diras : Voici ce que
dit le Seigneur : « Revenez à moi et je reviendrai à vous ». Mais
parfois le Seigneur « toujours bon » pardonne et « diffère le châti-
ment de ses fils afin que l'audace de ses ennemis ne s'accrût ».
   L'armée chrétienne, s'il faut en juger par ce que laisse deviner
le chroniqueur, n'était pas précisément le modèle de toutes les
vertus, et le Seigneur était trop souvent bien fondé à lui retirer
sa protection. Tout d'ailleurs semble coopérer au désordre et à la
corruption : défaites et victoires. Les défaites découragent et dé-
 sorganisent l'armée, font naître des divisions qui sont sur le point, en
la morcelant, delà détruire; les victoires, plus terribles encore ',
corrompent les mœurs, en amollissant le soldat par le riche butin
qu'elles leur procurent.
   De nombreuses plaintes, s'exhalent à ce sujet, de chaque page
de la chronique. Ici « chacun veut agrandir le plus sa propre for-

  ' « Ceux qui aimaient Dieu préféraient la disette et les combats ». Manuscrit de
Raymond d'Agiles.