page suivante »
I,K PKKS1DKNT HAUDRIKK 131 compte sur eux pour charmer mon oisiveté future, et pour ne pas trop m'encroûter, ce qui arrive assez rapidement quand on se livre exclusivement aux charmes de la vie rurale. » En effet, dès après son retour à Lyon, il reprit ses chers bouquins, les plus pré- cieux incunables de tous les pays, mais malheureusement avec trop d'amour. Les heures de ses journées passaient, rapides et agréables, dans de constantes recherches dans nos archives publiques, et sou- vent les passants du pont Tilsitt pouvaient voir encore, après minuit, de la lumière dans son cabinet. Ses amis le lui repro- chaient, comme s'ils avaient été dans le secret de Dieu qui avait assigné un terme si prochain à une vie si laborieuse et si utile à la science. M. Baudrier, quoique douloureusement affecté de la mutilation de notre grand corps judiciaire dans lequel s'étaient passées les plus belles heures de sa vie, n'a pas désespéré cependant de l'a - venir. Le 7 octobre dernier, il écrivait à l'un de ses amis resté de- bout dans cette hécatombe : « Je conçois fort bien votre tristesse au milieu de tous ces nouveaux venus et de tous ces heureux du jour qui dissimulent mal leur joie d'être arrivés, en enjambant les épaules de leurs anciens collègues. Consolez-vous cependant, et tenez bon. Il y aura bien un jour de justice et de réparation. Complons-y et, pour ma part, j'y crois fermement. » Il remarqua aussi, non sans surprise, dans le discours prononcé par le procureur général M. Fabreguettes, à l'occasion de l'in- stallation de M. Fourcade, le reproche de prétendue hostilité contre le Pouvoir, et il s'en exprima ainsi près de l'un de ses anciens col- lègues : «En vérité, dit-il, M. le Procureur général tourne singu- lièrement la question.... Il nous accuse d'avoir été agressifs pour les institutions que le pays s'est données; nous y avons adhéré, tristes, peu convaincus, mais silencieux. Je demande aussi ce qu'ont fait MM. Brigueil, Salveton, Devienne, Verne de Bachelard, d'Alverny, etc., etc., si ce n'est obéir à leur conscience de magistrats et s'abstenir de ces démonstrations de soumission et d'affection qu'on n'avait pas le droit d'exiger d'eux. Toutes ces victimes se bornaient à la protestation du silence... mais, quand on veut tuer son chien, on le dit enragé. » M. Baudrier n'avait eu aussi qu'un sentiment de juste dédain