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130 LA RKVUK LYONNAISR qu'ils aimaient, peu soucieux de l'opinion publique, lisant k peine les journaux, ne craignant pas l'impopularité, les magistrats trouvaient en eux-mêmes, dans la satisfaction intime de leur conscience, ce que ne peut supporter la foule, la récompense d'une vie consacrée k un labeur obscur et régulier. Troublés depuis 1870. par les bruits du dehors, ils avaient distingué, sans s'émouvoir, les clameurs de l'émeute légale; mais peu k peu, les cris se sont rapprochés, le péril est devenu imminent, et le jour est arrivé où comme l'a écrit un des journalistes amis de la chancellerie : « On les a arrachés du Prétoire 'pour les jeter dans la rue. » M. Baudrier se consola vite de sa disgrâce imméritée. Il lui restait ses livrés « ces amis qui ne changent jamais ». Il se réfugia donc au milieu d'eux, à son château d'Amareins, pour leur consacrer désormais tous ses loisirs forcés. Le 21 novembre dernier, il écrivait à l'un de ses anciens collé gués: «Je jouis avec bonheur de mes premiers jours de retraite. La Providence me favorise d'un temps exceptionnellement doux et d'un soleil que les brouillards lyonnais vous empêchent probable- ment de voir. Je mène une vie autrement saine que celle de la ville; je m'y abandonnerais volontiers avec délices, quoique je com- prenne fort bien qu'elle doit rapidement conduire k une sopori- fiante atrophie de l'intelligence. C'est à peine si je lis les deux ou trois journaux qui m'arrivent chaque matin. » Quelques jours après, il mandait encore au même magistrat : « C'est étonnant comme je me passe bien de l'audience ; ce sera en- core mieux quand je rentrerai à Lyon, où je pourrai reprendre des occupations plus conformes k mes goûts. Ici, je m'endors dans la paresse ; la vie est ainsi bien douce, mais elle conduit k une torpeur dont je vous suis très reconnaissant de me réveiller de temps à autre. » Toutefois «la folle du logis» revenait souvent, et il était moins amolli par les dulcia otia des champs qu'il ne le croyait ; ainsi, quelques jours après, il écrivait au même ami: «Puisque vous êtes encore à Lyon, voudriez-vous bien me donner des ren- seignements sur Gasparini Bergamensis ou Peryamensis episto- larum opus, incunable de 1472 ou k peu près? Vous voyez que je suis déjk replongé dans les bouquins, quoique campagnard ; mais ce qui est plutôt vrai, c'est que je ne les perds pas de la pensée. Je