Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
[ Revenir aux résultats de la recherche ]
page suivante »
580                   LA R E V U E   LYONNAISE
ils s'abritèrent, et des broussailles avec lesquelles ils purent allu-
mer du feu. Mais ils calculaient avec effroi que, dans cette région
dépeuplée du Nouveau-Mexique, il leur fallaitdix journées de marche
pour arriver au village le plus rapproché, et, dans leur état de
délabrement et de faiblesse, ils ne pouvaient entreprendre un tel
trajet. M. Frémont détacha de sa troupe trois des hommes les plus
vigoureux, et les envoya avec un guide dans le village, pour en
ramener, s'il était possible, des mules et des vivres. On comptait
qu'en vingt jours ils pouvaient être de retour. Leurs compa-
gnons devaient les attendre, campés, dans leur détresse, sous les
rochers, au milieu des neiges, comme des naufragés sur une île
aride et déserte, au milieu du froid océan. Ils attendirent, dans des
privations et des souffrances qui s'aggravaient d'heure en heure,
sans jamais se plaindre du colonel qui les avait amenés là. Ce noble
colonel! plusieurs d'entre eux s'accusaient eux-mêmes de l'avoir
entraîné à une fatale erreur, en soutenant l'opinion du guide, et il
n'était pas seulement leur chef, il était leur ami. Il souffrait comme
eux, et souvent les consolait par ses paroles affectueuses, et les sou-
 tenait par sa puissante énergie.
    Quinze jours s'écoulèrent ainsi. Un matin, il se mit en marche
 avec quelques-uns de ses compagnons pour aller à la rencontre des
 messagers, et hâter, s'il se pouvait, leur arrivée. Après avoir marché
 toute une semaine, il en rencontra trois dans un état de maigreur
 et de détresse effroyable ; le quatrième était mort de froid, et ses
 camarades, réduits à la dernière extrémité, avaient eux-mêmes
 rongé une partie de son cadavre.
    M. Frémont continua sa route avec ces infortunés, et eut enfin
 le bonheur de rencontrer un jeune Indien avec qui il avait eu de bons
 rapports dans un de ses voyages précédents. Ce jeune homme lui
 procura des chevaux et des vivres, et ce que le généreux Frémont dé-
 sirait surtout ardemment, le moyen de secourir les malheureux qui
 étaient restés sur la montagne. Mais dans cet espace de temps, déjà
 un tiers d'entre eux avait succombé;' d'autres avaient les pieds et
 les mains gelés, et pouvaient à peine se mouvoir.
    Cependant un tel désastre ne suffit pas pour vaincre la prodigieuse
 fermeté de M. Frémont. Le projet qu'il a voulu accomplir, il l'ac-
 complira, en dépit de tous les obstacles et de tous les dangers. Il se