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PENSEES 175 Nous nous méfions trop de notre cœur, et pas assez de notre tête. * « Aimons-nous les uns les autres... » A cause du prochain? Il est si peu aimable! A cause de nous? Nous sommes si peu ai- mants! A cause de Dieu, seul aimable, seul aimant. * Toute affection humaine s'écroule bientôt, si Dieu, invoqué comme principe, comme motif, comme but, ne la cimente et ne la con- sacre . N'aimer que soi, est-ce aimer ? Nous aimons en autrui nos idées, nos goûts, nos opinions... — Et nos talents? — Point. * Me tendre les bras de loin, se précipiter à mon cou, m'enlacer, me soulever, me meurtrir de baisers, saisir mes mains, les tordre, les secouer; et, me regardant avec exaltation, me demander coup sur coup, sans attendre aucune réponse, des nouvelles de ma santé, de mes études, de mes affaires, de mes parents, de mes connais- sa'nces ; m'appeler à toute phrase : « Mon cher ! mon très cher ! c'est ainsi que Pamphile me reçoit. « 0 homme plein de cœur! rare ami!... » dis-je à part moi. Tout en réparant ma chevelure et en m'essuyant le visage, je cherche dans mon esprit quelque réponse à pareille effusion de tendresse. Je me retourne, j'ouvre la bouche... Où donc est Pam- phile? Pamphile a disparu! Vojez-le là -bas qui enlève et étouffe presque dans ses bras Gordien qu'il connaît à peine, et qui répète : « 0 homme plein de cœur !.... »