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616                         L \   R E V U E LYONNAISE

mais il m'envoyoit presque ordinairement des mémoires pour y employer. »
Le livre de M. de La Tourette se divise en nombreux chapitres, tous du plus
saisissant intérêt, comme, par exemple, ceux qu'il consacre « à la misère au
dix-septième siècle — au Bureau d'adresse, — à la Publicité commerciale, — aux
Monts-de-Piété, — à un Essai de Faculté libre, — aux Consultations charitables».
Toutes ces institutions sont aujourd'hui en plein exercice et Renaudot est leur
créateur, mais comme l'observe très bien M. de La Tourette « ceux qui naissent
cent ans trop tôt sont presque toujours incompris, et il arrive tout au moins cela
d'heureux à ceux qui naissent cent ans tard que l'oubli dans lequel ils tombenl
tout de suite, les sauve de l'injustice. » Mais grâce à la belle publication de
M. de La Tourette, Renaudot sera compris aujourd'hui, son nom est tiré de
l'oubli et une éclatante justice lui est rendue.                  X. X.



      NAIS MICOULIN, par EMILE ZOLA. — Paris. Charpentier, 1883. Un vol. in-18
       Jésus. Prix : 3 fr. 50.

    Si les interminables descriptions qui émaillent presque à chaque page les
romans de M. Zola sont peu du goût de beaucoup de lecteurs, je ne crois pas
qu'on puisse reprocher à ses nouvelles d'engendrer l'ennui ni de fatiguer l'atten-
tion. Le nouveau volume que vient de mettre en vente l'éditeur Charpentier, et
qui renferme six contes inédits, est écrit d'une manière sobre, mesurée, qui
rappelle Daudet : pas ou presque pas de phrases prétentieuses, pas de néologismes
criards : dans la peinture des caractères surtout se fait sentir puissamment 'a
 touche vigoureuse de cet écrivain dont il est permis de discuter les théories et le
 procédé, mais dont nul ne saurait sans injustice contester le talent.
   tNaïs Micoulin est un petit drame où les personnages sont vivants, l'action
saisissante, le dénouement tout à la fois tragique comme la passion et banal
 comme la vie réelle. Une étrange figure, le vieux Micoulin, le père de Naïs. Il a
trouvé sa fille endormie aux bras de Frédéric, son jeune maître, et il n'a point
tué les coupables, car il sait bien que « le maître, quoique enterré, est toujours
le plus fort ». Seulement, à deux fois, il essaiera de le faire périr: Naïs veille sur
 son amant et détourne les coups qui le menacent. Le vieillard conserve sa haine
jusqu'au jonr où un accident, tellement opportun qu'il pourrait sembler prémé-
 dité, le fait disparaître lui-même. Il y a de ci, de là, dans ces pages, des
 tableaux de tout point charmants, celui-ci, par exemple:
   « La matinée était d'une douceur charmante. Une comme une glace soua le
blond soleil, la mer déroulait une nappe bleue ; aux endroits où passaient des
courants, elle frisait, le bleu se fonçait d'une pointe de laque violette, tandis
qu'aux endroits morts, le bleu pâlissait, prenait une transparence laiteuse ; et l'on
eût dit, jusqu'à l'horizon limpide, une immense pièce de satin déployée, aux
couleurs changeantes. Sur ce lac endormi, la barque glissait mollement ».
   Nantas est une application des théories philosophiques et scientifiques qui
constituent le fond de la série entière des Rougon-Macquart. « Je t'aime, parce
que tu es fort », ce cri, que jette Flavie en se précipitant dans les bras de cet
époux qui avait en vain mis en œuvre pour la fléchir une persévérante tendresse,
est le seul mot qui restera à l'amour, le jour où auront définitivement prévalu les
désolantes doctrines de la lutte pour l'existence, telles au moins que les entendent
la généralité des savants modernes^