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6 10 LA REVUE LYONNAISE °* lequel nos relations politiques, commerciales, littéraires, sont appelées à devenir de plus en plus étroites. Une relation de voyage au pays de Skobeleff ne saurai; donc nous laisser indifférents, surtout quand elle est écrite par cet observateur sagace qui s'appelle Victor Tissot. Je n'ai pas à dire quels soins ont été apportés à cette édition : la maison Plen qui a édité tant de superbes ouvrages illustrés, entre autres la Terre Saints de M. Guérin, Amsterdam et Venise de M. Henry Havard, le Benvenuto Cellini de M. Eugène Pion, les fantaisies charmantes deBertall, pour ne parler que des plus connus, n'a besoin ni do compliment ni de réclame. Qu'il me suffise de dire que le présent volume est digne de tout point de ses aînés. GH. L A V E N I R . TRENTE-DE OXANS A TRAVERS L'ISLAM (1832-1854), par LÉON ROCHES, ministre plénipotentiaire en retraite, ancien secrétaire intime de rémir Abd- el-Kader, ancien interprète en chef de l'armée d'Afrique. Tome premier. Al- gérie, Abd-el-Kader. Paris, librairie de Firmin Didot et Gis, 1884. Un vol. petit in-8". Prix : 6 francs. Ce livre, à quelque point de vue qu'on l'envisage, est un des plus remarquables qu'ait vu naître l'année qui finit. A l'intérêt de l'histoire, il unit le charme du roman. Si M. Roches, mieux placé que qui que ce soit pour écrire sur les affaires algériennes après la conquête, s'est laissé devancer par bien d'autres, il regagne sans peine le léger avantage que peut donner la priorité de date par l'authenticité des documents et la précision- des renseignements. A quoi tient la destinée des hommes et combien est minime la part réelle qui revient à notre volonté dans la direction de notre vie et de nos affaires! M. Ro- ches ne part pour l'Algérie que contraint et comme à regret. Peu de temps, s'écoule, et il ne veut plus quitter cette terre hors de laquelle il lui semble désor- mais impossible de vivre : il aime et il est aimé de Khadidja, une belle musulmane. Le mari de celle-ci, jaloux et irrité, emmène la bien-aimée loin du jeune Fran- çais. Dès lors la plus chère pensée de celui-ci est de la rejoindre : en même temps les éloges qu'il entend faire partout de l'émir Abd-el-Kader font naître en son esprit une idée nouvelle : celle de devenir le conseiller intime de cet homme, de lui apporter le concours dévoué de sa bonne volonté et de son intelligence dans la tâche qu'il a entreprise de régénérer les Arabes. Pour arriver à son but, il apprend la langue des indigènes, et feignant d'avoir embrassé l'islamisme, il par- vient auprès de l'émir, auprès duquel il demeure jusqu'au jour où il reconnaît que les illusions qu'il s'était forgées sur le résultat à atteindre sont malheureuse- ment irréalisables, et où la guerre éclate de nouveau entre ses compatriotes et Abd-el-Kader. C'est le récit de son séjour auprès de ce grand homme qu'a écrit M. Roches ; celui des aventures multiples dont fut émaillée cette période de son existence. Avec lui, nous pénétrons dans le vif de la vie arabe : grâce à sa prétendue conversion à la religion du prophète, il a pu voir ce que n'a vu aucun chrétien. Je n'ai pas besoin de dire quel intérêt s'attache à ces pages si profondément marquées du cachet de la vérité, écrites sans exagération, sans cet abus de couleurs criardes que le soleil africain semble verser en même temps que ses rayons de feu sur le