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604 LA R E V U E LYONNAISE
je ne crains pas do m'avancer en prédisant à son cadet une réussite au moins
égale et je la lui souhaite bien sincèrement. C H . LAVENIR.
ROME: Études de littérature et d'art,par M. ALBEBT BOURNET. Paris, E. Pion,
Nourrit et Ci», 1883, 308 pp. — Prix : 3 fr. bO.
Il n'est pas un touriste intelligent et lettré qui, après son retour au foyer
domestique, n'aime à raconter à ses amis et parfais au public, les souvenirs et
les impressions de ses voyages; de là tant de livres qui nous charment et que
les jeunes gens dévorent. Du nombre de ces excursionistes est M. Albert Bournet.
Lui aussi a voulu voir les pays lointains et s'éloigner, parfois, de son clocher
pour quelques jours. Il a tenu, entres auhvs, Ã parcourir l'Italie la terre clas-
sique des arts, le pays des grands souvenirs historiques. Il a tenu à voir, surtout,
Venise et Rome, la ville éternelle où les ruines les plus grandioses des vieux
âges, les palais, les églises les plus admirables se touchent, s'enchevêtrent et
témoignent si hautement do la formidable grandeur des anciens conquérants du
monde et de la bienfaisante domination de la Papauté tenue aujourd'hui captive
par d'odieux sectaires, mais qui éclaire, néanmoins, toujours le monde entier
comme un phare lumineux.
Mais M. Bournet ne s'est pas mis en route sans se préparer à ses pèlerinages.
« Bien avant le départ, nous dit-il, comme le pêcheur qui inspecte ses agrès et
répare ses voiles, comme le soldat qui nettoie ses armes, » il a lu tous les livres
qui parlent de la péninsule, il a noté toutes leurs pages que l'Italie a dictée aux
voyageurs, aux écrivains, aux artistes les plus illustres, il a fait ample pro-
vision de réminiscence de littérature et d'art pour les besoins de ses courses.
Ce sont ces réminiscences complétées ensuite sur les lieux, qu'il offre aujourd'hui
à ses lecteurs et qui lui rappellent, ajoute-t-il « les meilleures heures de pures
délices qu'il ait goûtées dans une vie de recueillement et d'obscurité. »
C'est Venise que M. Albert Bournet a tenu à visiter d'abord,en 1881, « Venise,
la reine de l'Adriatique, dont le charme mystérieux, la beauté fascinatrice, le
voluptueux bercement sur ses lagunes lui ont laissé un souvenir éternel et une
incurable nostalgie. » Mais, pour décrire ses beautés, sa grandeur passée et sa
décadence, il a cédé souvent la parole aux écrivains les plus compétents, depuis
la fin de la Renaissance jusqu'à nos jours, d'abord à Montaigne, qui en 1580,
« avait une faim extrême, dans son château du Périgord de voir Venise » puis Ã
Montesquieu qui fut trop curieux. Le terrible Conseil des Dix, qui avait des yeux
de lynx lui fit savoir par un de ses mystérieux sbires, qu'il lui était suspect, et
dans sa frayeur, il brûla toutes ses notes et partit à minuit pour la Hollande.
Après ces illustres voyageurs, les plus hautes intelligences se rencontrent en-
core, tour à tour, dans « la belle Venise » : Jean-Jacques Rousseau qui y fut secré-
taire d'ambassade, le fameux président de Brosses, si spirituel et si pauvre
archéologue, qui trouvait que le célèbre palais ducal « était un vilain Monsieur
s'il en fut jamais, massif, sombre et gothique » Gœthe, Byron, M mo de Staël,
Chateaubriand, la belle M m o Récamier, Lamartine, A de Musset, G. Sand,
Topffer, Théophile Gauthier, Taine, etc. Quel intérêt n'offre pas le récit de leurs
impressions et de leurs souvenirs des monuments si durables sur une ville si
exceptionnelle et dont l'auteur de Lêlià , entre autres, s'est plu à dire. « Venise