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                       AUGUSTIN COCHILN'                           5S9

débat, qui ne veut pas mourir ; vous la jetez à la mort, et son
haleine impie va corrompre en un jour, défigurer, crever, pourrir,
rendre au néant ma bien-aimée, et vous ne me prenez même pas
avee elle. Vous me laissez brisé, incomplet, veuf, chancelant,
anéanti, avec une orpheline à la main, réduit pour toujours au dé-
sespoir qui ravage; à moins (horrible! oh! plus horrible encore!)
que cette mémoire, déposée dans la tombe de mon cœur, n'y
soit aussi dévorée peu à peu par le ver de l'oubli.
   «Non, non! Vous n'avez pas fait la mort! C'est trop horrible.
Mais si vous ne l'avez faite, oh! Seigneur, vous ne pouvez vous
douter de ce qu'elle est, cette méchante, cette affreuse mort; vous
ne le savez pas, et si vous avez pitié des hommes, Seigneur, il faut,
pour bien connaître leur condition, la partager, la subir vous-
 même; il faut passer par la mort. Oui, si vous avez vraiment souci
 des hommes, c'est dans la misère et dans la mort qu'ils vous
donnent rendez-vous; c'est dans les profondeurs d'où sortent leurs
 cris. — De profundis clamavi. — C'est là que nous vous atten-
 dons. En effet, Jésus a choisi la pauvreté et il a goûté la mort. Il
 est Dieu, c'estle Dieu qu'attendent les hommes. »
    Quel cri de douleur, quelle poignante angoisse, mais comme,
 d'un coupd'afte, cette âme chrétienne, un instant éperdue, terrassée
 sous le faix de l'épreuve, se dégage soudain pour monter, rafraî-
 chie et consolée, jusqu'à l'ineffable mystère de la Rédemption !
 Voici qui dépasse les sommets de la science : les purs théologiens
 ont de plus puissantespages,les grands orateurs ont de plus mâles
 accents, mais je ne sais si'Bossuet lui-même, dont le génie a pour-
 tant tout sondé et tout dit, en a rencontré un qui nous fût plus sen-
 sible, qui fît plus profondément vibrer en nous la fibre humaine,
 pour transformer ensuite nos larmes elles-mêmes en un hymne
 éternel d'adoration, de gratitude et de divine tendresse.
    Gochin est là tout entier. Sa foi' est une magicienne qui métamor-
 phose la nuée en rayon lumineux : comme l'abeille, elle tire son
 miel du suc des plantes amères. Il n'a pas d'autre secret pour
 fonder et justifier ses espérances, mais c'est le secret du vrai chré-
 tien qui, par de là les ténèbres, voit clairement percer l'aurore
 radieuse d'un jour sans fin. S'il a les pieds à terre, son regard
 ne quitte pas le ciel. Vous tous qui gémissez de l'ombre ou