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528                    LA. REVUE LYONNAISE

besoin de demeurer collées à l'arbre de la croix pour résister au
désespoir et à la tentation, pour tendre la main à travers la tombe
aux amis qu'elles pleurent! Voici les jeunes filles, les enfants dont
lésâmes se jouent et se bercent sur les genoux du Bon Maître!
Voici les pauvres infirmes, la femme laide et malheureuse que
l'on n'aime pas, et Dieu lui dit tout bas, à cette boiteuse, à ce corps
difforme et disgracieux : « Je t'aime sous cette forme; dans cette
« enveloppe je te connais; je te nomme par ton nom; je ne te mets
« pas au-dessous des belles et des heureuses; celles-ci, je les
« regarde d'un œil sévère et qui les courbe en frissonnant. Toi,
« pauvre infirme, bornée, dénuée, délaissée, je t'aime et tu peux
« m'aimer. » 0 philosophes, que pouvez-vous donc pour consoler
ces gens-là? — Et ce vieux mendiant crasseux, qui est là dans un
angle, recouvert de la triple et quadruple rouille de la vieillesse,
de la bêtise, de la misère, de la malpropreté, que pouvez-vous pour
percer son enveloppe?... que pouvez-vous et que sentez-vous pour
lui? Cependant, il égrène un chapelet dans ses doigts jaunes, et ses
lèvres s'ouvrent pour un petit mot. Quel est ce mot du mendiant?
 « Dieu a visité le monde, un ange l'a dit à la fille des hommes, et
 « ce mot-là est arrivé dans mon grenier et a réjoui mes pauvres
 «os. » Ce pauvre me .dit ce que vous, génies, vous ne me
 dites pas. »
   Ou cette page trempée de saintes larmes :
   « Omort! tu as pris mon enfant, ma femme, ma mère! Grand
Dieu! vous les aviez créés pour moi. Vingt ans, j'ai combattu pour
être digne d'elle, vous aviez couronné son front de boucles char-
mantes; vous aviez allumé le feu de son doux regard; vous aviez
répandu la beauté sur tout son être, et posé sa démarche sur ce sol
où votre soleil dessinait son ombre gracieuse. Vous aviez ouvert
et animé son sourire, accordé le timbre de sa voix; vous aviez
voulu, vous aviez béni nos amours, et de ces délices fait sortir la
vie sous la forme de notre enfant. Vous avez fait cela, puis vous
l'avez brisé. Raphaël, pris de folie, n'a pas crevé sa toile, et Michel-
Ange n'a pas brisé à coups de marteau le maçbre de ses chefs-
d'œuvre. Vous, Seigneur, vous donnez la vie, la beauté, la jeu-
nesse, et vous en faites le charme etla vie de cœurs séduits; vous
brisez à grands coups votre œuvre qui résiste, qui crie, qui se