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390 LA R E V U E LYONNAISE
L'Anglais l'enveloppe de sa haine, le Français de son amour.
C'est la « Sainte »! c'est la« sorcière »! L'étrange sorcière, en
vérité, qui délivre sa patrie par ordre de Dieu !
Une fois le sang rougit son armure ; et quel est ce sang ? Le sien.
Sa main se lève pour exhorter, jamais pour occire !
Elle meurt comme elle a vécu, enfemme, en héros, en chrétienne.
Un vieux poète dit qu'elle reproduisit Hercule à la vie, à la mort;
assimilation un peu saugrenue, mais grandiose et saisissante. Sur
le bûcher, elle défaille, elle plaint sa jeune vie toute pure; le feu
l'épouvante : « Grâce ! » Point de grâce ; et elle se résigne Ã
mourir.
J'ai vu Jeanne d'Arc dsan ce Rouen même où elle pleurait de
falloir mourir; la statue était maussade et lourde, sans expres-
sion humaine, sans expression céleste; je l'ai vue avec mes yeux,
avec mon cœur surtout, et j'ai tressailli à m'en souvenir toujours !
L'évoque d'Orléans, Alexandre Guillemin, Antoine de Latour
ont souhaité à la vierge, à la guerrière, à la martyre, une gloire
encore, celle de sainte canonisée. Cette quatrième couronne fleu-
rira à son front lorsque le règne sera fini des fils de Voltaire.
Des lèvres étrangères ont chanté à l'envi la « Bonne Lor-
raine »; Bedford et Shakespeare ont seuls, dans toute l'Angleterre,
osé la haïr; l'Allemagne lui a « donné des lis à mains pleines »,
c'est-à -dire des hymnes, et des poèmes et des drames...
La France, déshonorée coup sur coup par le grotesque Chape-
lain et par l'infâme Arouet, doit toujours l'hommage, deux fois
expiatoire, d'une épopée à son incomparable enfant.
*
Quelques-uns affectent d'écrire : Jeanne Darc, saint Vincent De-
paul... Ignorent-ils donc que l'histoire aussi délivre des titres de
noblesse?
*
Que ne par donne-t-on-pas à la gloire? César noya les Gaules
danslesang, etles Gaulois aimèrent César; Napoléon ouvrit les
quatre veines de la France, et !es Français adorent Napoléon !