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344 LA REVUE LYONNAISE ou de celle pour la protection des indigènes ? Etes-vous pour l'as- similation ou pour le refoulement, pour le rétablissement ou la suppression des bureaux arabes ? Si vous n'avez pas d'opinion là - dessus, si vous n'avez pas la préoccupation de vous en faire une, retournez en France par le premier paquebot, vous ne serez ja- mais qu'un indécrottable Roumi. Et malgré les visites, les cancans, les journaux, la politique, les questions coloniales, je vous jure qu'on s'ennuie ferme. Derrière les rideaux des fenêtres donnant sur les places et sur les rues, que de désœuvrements enragés, que de curiosités poussées au pa- roxysme ! Passants, parlez bas, marchez vite, des paires d'yeux écarquillés et d'oreilles tendues vous guettent. Deux ou trois fois l'an, il y a des soirées dansantes, même costumées, où défile cou- rageusement toute une vieille garde qui ne veut pas se rendre, teint ses cheveux, farde ses rides, fait venir ses dents de Paris et, travestie comme à vingt ans en marquises Pompadour et en doges de Venise, agite d'une main tremblante les grelots de la Folie. Cimetière et carnaval ! Les amateurs de cheval se réunissent en escadrons, envoient l'un d'eux parsemer de petits papiers blancs les vallons et les montagnes, et se lancent au grand galop sur la piste; distraction anglaise très spirituelle, sans en avoir l'air. Les promeneurs arpentent les routes poudreuses de la Pointe Pescade au jardin d'Essai,onles voit à Fontaine-Bleue, à El-Biar, au Frais- Vallon, à la Vallée des Consuls : un tas d'endroits qui cachent leur insignifiance parfaite sous des noms charmants et demandent à être pris d'assaut. Quand les jambes leur manquent, ils ont, ou plutôt ils avaient à leur disposition les tramways, voitures déman- tibulées, traversées aux quatre coins par des courants d'air homi- cides, traînées sur de mauvais rails par de mauvaises rosses, con- duites par de mauvais cochers. Ces voitures viennent de dispa- raître devant la réprobation publique et ont été remplacées par des omnibus qui sont loin d'être le dernier mot du confortable, même l'avant-dernier, et qui ne s'écartent pas d'un itinéraire tracé. Dès qu'on veut faire tant soit peu de fantaisie, il faut avoir recours aux corricolos et aux calèches. Les corricolos, un nom cocasse, une drôle de chose ! Caisses démodées, détraquées, disloquées, hors d'âge, venues on ne sait d'où, échouées ici on ne sait comment,