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290 DES VERBES Qui dirait que nous ne sommes pas riches en fait de terminai- sons de verbes, il aurait grand tort. Nous en avons « à regonfle » : six, rien que pour la première conjugaison latine en are. Nul n'ignore que la terminaison are (amare) a persisté en italien (amare) ; a fait ar (amar) dans le vieux provençal et dans l'espagnol; s'est raccourcie en a dans le provençal modernefamaj, et est devenue er dans le français (aimer). Il y a même des fois que are latin est devenu ier en français, au moins dans celui des an- ciens temps. Ainsi cavalcare avait fait chevaucher; carricare, charger; impejorare, empririer, etc. Les verbes latin terminés en are ont eu en lyonnais des fortunes très diverses ; les uns ont pris la finale en a. Ainsi amare, aimer, est devenu ama à Amplepuis, au Bois d'Oingt, etc. D'autres fois, ces verbes ont pris la finale en o, Ainsi le même amare est devenu aimo à Craponne, à Mornant, etc. D'autres verbes ont pris la finale tantôt en ia, tantôt en io. Quiritare est devenu cria à Amplepuis, et cria à Mornant. D'autres verbes en are ont pris la finale en i. Ainsi ad quassare est devenu s'acass?, se ployer en deux. D'autres encore ont pris la finale en yî. Ainsi precare, prier, est devenu Tprayî. * Est-il utile de dire que ces changements ne se sont point opérés par caprice, au hasard, comme le chapeau à cabriolet qu'invente une modiste, ou le monstrueux appendice pygial qui est. censé orner aujourd'hui nos belles dames? Ils se sont produits sans prémé- ditation, sans que ceux qui les ont faits s'en doutassent, en vertu de certaines lois très régulières, très assurées, et dont les excep- tions, lorsqu'il en existe, deviennent elles-mêmes des règles pour tous les mots placés dans des conditions identiques. Il se sont faits de même façon que la plante semée, étant donnés la graine et le terrain, pousse des feuilles et des fleurs conformées de telle façon