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276 LA REVUE LYONNAISE de Tarragone, sur la rive gauche de l'Èbre, tour à tour romaine, gothe, mauresque et catalane, était déjà célèbre autrement que par ses prodigieuses pêcheries : là étaient nés Francisco de Aldana à la fois soldat et poète, — la tradition veut que ce soit à lui que François Ier à Pavie se soit rendu — et Torre queLope de Vega, célèbre dans Le Laurier d'Apollon, comme Cervantes, Aldana dans le Voyage au Parnasse. Loin d'être d'une famille d'épée ou de robe, Garcia était fils d'un pêcheur et filleul d'un labou- reur. Le brave maître José et sa femme Barbara Torrék ne sem- blaient devoir lui enseigner qu'à raccommoder les filets et à ré- parer les mailles rompues : néanmoins il est certain qu'il reçut une éducation universitaire, grâce, peut-être, aux secours que les étudiants pauvres, les Sopistas, trouvaient alors dans les couvents et les églises. On sait ce que les prétendus libéraux qui révolutionnèrent l'Espagne au début de ce siècle, firent pour rem- placer l'assistance des couvents spoliés et des églises brûlées. Ces études durent se composer surtout de langue et de littérature latine, de recherches théologiques et de droit canon. La première apparition de Vicens Garcia dans les actes authentiques a lieu en l'année 1606. Le curé de Vallfogona était mort au début du mois de décembre, et pour l'obtention de cette prébende, Mgr Francisco Robaster, évêque de Vich, ouvrit un concours. Quatre candidats se présen- tèrent : le plus heureux dans ses thèses et ses discussions fut Vicens Garcia : la cure lui fut donc conférée. Il gagna cette heu- reuse solitude, ce port sûr, cette forteresse inexpugnable contre les persécutions qu'il devait chanter plus tard. Dès la fin de février, il était à l'œuvre et signait les actes sur les registres paroissiaux. Il ne se considérait point cependant comme trop étroitement astreint à la résidence, et cette chère so- litude ne lui était si douce qu'à la condition de s'en éloigner par- fois. C'était pour aller à Gérone concourir aux fêtes de la béatifi- cation d'Ignace de Loyola, ou pour prononcer le panégyrique de deux doyens de l'Université de Lérida. Ces absences exercèrent la malice des recteurs de paroisse, ses voisins, et l'un d'eux, celui de Vallbona, lui adressa une romance satirique où il le blâmait d'un ton mi sérieux, mi badin.