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            DE LA RESPONSABILITÉ LITTÉRAIRE                         267
   Eugène Sue a inspiré l'attrait des jouissances brutales par une
forme plus insinuante que la crudité du naturalisme.
   Eh bien, est-il possible de douter que tous ces livres n'ont pas
eu leurs victimes ?
   Il est un autre genre de productions littéraires qui a peut-être
encore plus d'action et qui autorise à poser la question de la
responsabilité.

                                 XIV

  Au nombre des ouvrages d'esprit dont les auteurs peuvent encou-
rir une responsabilité, je ne puis, sans lacune, dans cette étude,
omettre d'arrêter l'attention sur la littérature dramatique. Le
théâtre a une telle popularité que, plus que la lecture seule, la repré-
sentation sur la.scène d'une pièce de théâtre est recherchée. Elle
exerce sur le spectateur une influence que l'action, le prestige scé-
nique, l'atmosphère quelquefois enivrante d'une salle de spectacle,
contribue à augmenter en surexcitant l'imagination et les sens.
Le spectateur vient le plus souvent au théâtre, moins pour y
trouver un délassement de l'esprit, une distraction honnête, une
jouissance intellectuelle, que pour satisfaire le goût très répandu
auquel les auteurs dramatiques ont une part très personnelle, pour
rechercher dans les théâtres les plus fréquentés des leçons de
choses, si je puis ainsi parler, d'après le langage pédagogique actuel.
   La reproduction sur le théâtre, par des personnages vivants qui
parlent, qui agissent, de scènes que l'auteur a imaginées pour favo-
riser le goût des hardiesses théâtrales, dont la foule est devenue
avide, habitue le spectateur à la liberté de tout entendre, parce que
la liberté de tout dire stimule la curiosité publique.
   On ne saurait nier, en effet, que la vogue est acquise à des con-
ceptions dramatiques peu dignes du titre d'œuvres littéraires. La
haute comédie plaît encore aux esprits délicats ; le drame, qu'on
ne nomme plus tragédie, est toléré s'il procure une sorte d'ébran-
lement sensuel et moral, des émotions produites par l'horreur des
situations, et la monstruosité du crime dont la cour d'assises devrait
conserver le monopole, ou si le grand talent d'un acteur ou d'une
actrice en renom sollicite le public. Mais le plus grand nombre