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264                  LA R E V U E LYONNAISE
passé et celle de l'avenir, il les signale tous comme victimes du
livre; il montre ces refractaires de la société inspirés par la
misère, formant une armée qui compte dans ses rangs moins de
fils du peuple que d'enfants de la bourgeoise, et Valès s'écrie : « Les
voyez-vous foncer sur nous, pâles, muets, amaigris, battant la
charge avec les os de leurs martyrs sur le tombeau des révoltés, et
agitant, comme un étendard au bout d'un glaive, la chemise teinte
du sang du dernier de leurs suicidés. Dieu sait où les conduira leur
folie! Les malheureux, les criminels, les vies ratées sont tous
victimes du livre. »
   « Cherchez la femme, disait un juge ; c'est le volume que je
cherche, moi, le chapitre, la page, le mot. Souvent, presque toujours
la victimeavu de travers, choisi àfaux.et le livrelatraîneaprèslui,
vous faisant d'un poltron un crâneur, d'un bon jeune homme, un
mauvais garçon, d'un poitrinaire un coureur d'orgies, un buveur
de sang d'un buveur de lait, une tête pâle d'une queue rouge. »
   Puis passant en revue quelques-uns des livres qui ont fait des
victimes autour de lui, et dont il est, Valès écrit ces pages saisis-
santes dans leur brutalité.
   « De ce charmant Alfred de Musset, ce qu'il a égaré vous le
savez, ce qu'il a fait d'ivrognes on l'ignore. Il n'y a pas que des
cœurs brûlés à cet incendie d'une âme, et de ces petits génies
flambés, mais aussi des poumons fondus, des entrailles grillées.
On s'est grisé après Rolla, on a couru les cabarets et les mai-
sons de filles après Don Juan. Les bien bâtis, les bien doués,
ceux qui ne font que jeter leur gourme en reviennent ; mais les
demi-cerveaux en restent éponges qui s'imbibent d'alcool et de fiel
ou s'émiettent comme de l'amadou. Il y a au boutdecelale réchaud
d'Escousse, le pistolet de Rolla? pas même! On devient idiot, ou
l'on reste ivrogne, on a des tubercules dans les poumons et des
tremblements dans les mains. Si l'on ne meurt pas, on engraisse,
on n'a plus le front pâle, mais le nez rouge; et quand, par un jour
 de remords, on a remonté ce fleuve de bière et de crachats où s'est
noyé la vie, on ne se rappelle pas que la source est au bas de lapage,
au coin du vers. »
   Jules Valès s'en prend aussi à l'un des écrivains les plus célèbres,
et il continue: