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248 LA R E V U E LYONNAISE prétextes plus ou moins bien choisis, il y avait quantité de livres anglais. La propriétaire, en proie à la maladie delà curiosité, in- curable chez les vieilles femmes, se livrait à propos de tout cela à des commentaires plus ou moins ingénieux que vous ne m'en voudrez point de passer sous silence. Guy en était arrivé à se sentir possédé d'une idée fixe, celle de pénétrer chez M"e Bernier. Mais comment s'y prendre? Il pouvait charger Mlle Marjolet de présenter sa requête, jamais ambassadeur n'eût été plus zélé, mais il craignait un échec et se souciait peu de voir la vieille fille au courant de sa déconvenue. Il pouvait écrire, mais cette lettre, ne venant pas d'Angleterre serait pour M"6 Marjolet une mine inépuisable de suppositions. Après avoir bien réfléchi, il rédigea, non sans la recommencer vingt fois, une épître où il priait, dans les termes les plus respectueux, MUe Ber- nier de recevoir avec tous ses remerciements pour les heures char- mantes qu'il avait passées a l'écouter, l'hommage de son admiration pour son magnifique talent. Il terminait en lui exprimant combien il serait heureux si elle voulait bien lui permettre de se présenter chez elle. Cette missive achevée, il la serra dans sa poche, et se promit de la donner tout simplement à la femme de cliambre de M1U Bernier à la première occasion qui se présenterait. La réponse ne se fit point attendre ; Mllc Bernier autorisait gra- cieusement M. de Lulleval à lui rendre visite. De fait ce pauvre Guy n'avait rien qui pût effaroucher la vertu la plus méticuleuse, et une femme pouvait le recevoir sans se com- promettre! Les temps étaient changés. Sa vie était celle d'un can- didat au prix Montyon. Une fois revenu de l'usine, il ne sortait plus, et n'avait jamais franchi le seuil du Café de l'Europe ou du Cercle des Francs-Lurons où se réunissait la jeunesse dorée de Saint-A... Son émotion fut grande en sonnant à la porte de M"e Bernier. Célestine vint lui ouvrir. Il traversa une petite antichambre et fut introduit dans un salon meublé avec le plus complet mauvais goût sans aucun doute, mais où mille petits détails révélaient à l'obser- vateur la présence d'une femme jeune et recherchée. MUe Bernier entra bientôt et fit le meilleur accueil à son voisin.