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                      DERNIÈRE AVENTURE                             247
suis de votre avis et j'estime que l'auditeur commençait à être trop
amoureux pour conserver son sang-froid.
   Car, le moment est venu de l'avouer, Guy était amoureux fou de
  Ue
M Bernier. Il passait ses dimanches à l'épier derrière son rideau.
Deux ou trois fois il l'avait rencontrée en ville. 11 avait cru devoir
la saluer et elle lui avait rendu son salut d'un air modeste, mais
en personne habituée au respect de tous. Sa femme de chambre qui,
selon l'expression de Mlle Marjolet, avait décidément l'air « très
comme il faut », l'accompagnait toujours. D'ailleurs, elle sortait
peu : la musique, la lecture dans le jardin, quelques travaux d'ai-
guille se partageaient son temps. Lulleval, vous le croirez sans
peine, n'était point un naïf. L'expérience qu'il avait des femmes lui
coûtait assez cher pour être complète. La plus rouée des aventu-
rières aurait perdu sa peine à vouloir se faire prendre par lui au
sérieux. Du premier coup d'œil il avait deviné en M"0 Bernier une
nature-d'élite et une âme droite et fière. Le sentiment qui le poussait
vers elle était plus délicat et d'une tout autre nature que ce qu'il
avait éprouvé jusqu'alors, mais que diable sa charmante et un peu
mystérieuse voisine venait-elle faire àSaint-A...?
    Guy se posait de temps à autre ce problème, tout en se souciant
 assez peu de le résoudre. Heureux de sentir auprès de lui, d'en-
 trevoir parfois cette aimable fille, il ne s'en donnait qu'avec plus
 d'entrain à ses occupations, se promettant, comme récompense,
 de l'écouter le soir quand elle se mettrait à son piano, ou de la
saluer le dimanche quand elle revenait de la messe.
    Six semaines environ se passèrent de la sorte. Lulleval ne
demandait maintenant qu'à recevoir les confidences de M"e Mar-
jolet et la digne vieille fille eût été ravie de les lui faire. Malheu-
reusement le sujet manquait absolument, l'existence de Mlle Bernier
était simple et monotone à désespérer. M1'0 Marjolet avait essayé
^quelques quelques questions adroites faites avec diplomatie, mais
elle avait bien vite cessé devant le regard peu engageant et le
mutisme de sa locataire. Tout ce qu'elle avait cru découvrir, c'est
que M"e Bernier avait longtemps vécu hors de France. Elle recevait
assez souvent des lettres d'Angleterre, la suscription de la main
d'une femme, toujours de la même écriture, et dans son salon, où
MUe Marjolet avait réussi à se faufiler une fois ou deux sous des