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NÉCROLOGIE 217 C'est ainsi qu'il remplit pendant trente années, avec une distinction qu'on n'oubliera jamais à Lyon, les fonctions de secrétaire de la Chambre de com- merce. 11 appartient à ceux, qui écriront un jour l'histoire du commerce de notre ville, de rappeler l'importance des problèmes industriels et économiques agités pendant cette période, qui a vu se produire tant de transformations dans le mouvement des affaires commerciales. Mais personne n'ignore la part considérable prise par Jean Tisseur dans les délibérations de la Chambre de commerce, dontil savait traduire, sous une forme si heureuse et si précise, les résolutions et les vœux. Ces fonctions, qu'il avait remplies avec tant de soin et de zèle, il devait les résigner à la fin de la présente année. Mais la retraite qu'il enviait n'était point encore le repos. Recueillir ses oeuvres poétique éparses, consacrer à son frère Barthélémy Tisseur une étude qu'attend encore sa mémoire, tels étaient les travaux auxquels il voulait consacrer les dernières années de sa vie. En attendant, la Chambre de commerce voulut lui donner un témoignage écla- tant de sa reconnaissance et de ses regrets, en lui offrant, le 25 juin demier, dans un banquet solennel, deux coupes en bronze avec une reproduction de la statue de Jeanne d'Arc, de Chapu. Mais que sont nos projets d'un jour? Ce banquet, où l'on applaudit les der- nières œuvres du poète, était, hélas! le banquet des suprêmes adieux. Un mois à peine s'était écoulé qu'un mal imprévu venait briser, avant l'heure, cette exis- tence si bien remplie. Malgré sa modestie et son extrême désintéressement, Jean Tisseur avait tenu une grande place et joué un rôle important dans notre ville. On l'a bien vu le jour de ses funérailles, où se réunit, autour de son cercueil, tout ce que le com- merce, les arts, les sciences, les lettres, la magistrature et le clergé comptent d'hommes distingués. Rarement on verra un pareil cortège suivre le convoi d'un homme plus vivement regretté. Pourtant celui auquel Lyon rendait ces derniers honneurs, n'occupait point une de ces hautes situations, qui réunissent, dans des funérailles officielles, une longue suite d'indifférents. Après avoir vécu toujours loin du bruit et de la foule, son plus ardent désir eût été de quitter ce monde, oublié et inaperçu. Chevalier de la Légion d'honneur, il avait lui-même interdit la présence de l'armée à ses funé- railles, et si l'on eût connu plus tôt ses dernières volontés, il n'eût été prononcé sur sa tombe aucun des discours qui ont si bien fait connaître les formes si variées de son talent, en même temps que ces vertus modestes, qu'il eût voulu cachera la curiosité du public. L'hommage, libre et désintéressé, qui lui était rendu ainsi, s'adressait donc bien tout entier au mérite personnel de l'homme. Une semblable manifestation était due, sans doute, à la mémoire de celui qui en était l'objet; mais elle offrait aussi un spectacle consolant, car elle nous a montré avec quelle puissance s'imposent ce3 qualités maîtresses du cœur et de l'esprit, qui, seules, ont le pri- vilège d'inspirer les sincères regrets et de laisser, dans la mémoire de ceux qui survivent, un souvenir profond et attendri. A. VACHBZ.