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                                   FELIBRIGE                                       211
dèu coupado, coume se dèu ligado, coume se dèu en garbeiroun
amoulounado.
   La santo sôucoalorajusto si voulameàsi bedoco de bos d'oume,
e vers lou mas s'entorno,pèr soupa.
   — Mèstre, digue lou capoulié de labloundo barbo, avèn acaba
la terro, e poudès ana vèire, s'acô vous plais, coume lou travai es
adouba. Deman, mounte voulès qu'anen ?
   — Capoulié, respoundeguè lou mèstre, n'i'a proun de fa pèr
aquesto semano ; mi blad pèr aro prèsson gaire. N'ai plus besoun
de vous.
   Eli très ome, li très omenas gaiard, li très bèu meissounié : A
Dieu sias ! disonau mèstre. E s'envan de soun camin, 'mé sivou-
lame penja darrié l'espalo. Lou bon Dieu es au mitan, emé sant
Pèire à man drecho, sant Jan à man senèstro, e dôu sulèu tremount
la clarta lindo lis acumpagno peralin.


                                          IV
  Lou mèstre, l'endeman de grand matin, s'eigrejo, e gaiamen entre
eu se dis : Empacho pas qu'aièr gagnère ma journado d'ana tenid'à
ment aquélis ome masc! Fai bon avé bon pèd, bon iue! Pèr aquéu
biais, n'en sabe aro autant coume éli, e ço qu'aurien gagna, tan
vau que iéu l'espargne.

la fumée s'évanouit et mille gerbes apparurent coupées comme il fallait, liées
comme il fallait, amoncelées en gerbiers, comme il fallait aussi.
  Les saints moissonneurs ajustèrent leurs faucilles et s'en retournèrent au mas pour
souper.
  — Maître dit le chef à la barbe blonde, nous avons fini le champ et vous pouvez
aller voir, si vous voulez, comment le travail est fait. Demain où voulez-vous que
nous aillions ?
   — Chef, répondit le maître, il y en a assez pour cette semaine: mes blés mainte-
nant ne pressent plus. Je n'ai plus besoin de vous.
   Et les trois hommes, les trois solides gaillards, les trois beaux moissonneurs dirent
adieu au maître. Et les voilà qui reprennent leur chemin, leurs faucilles pendues
derrière les épaules. Le bon Dieu se tient au milieu, saint Pierre à droite, saint Jean
à gauche, et la clarté sereine du soleil couchant les accompagne au loin.
                                           IV
   Le maître, le lendemain de grand matin, se réveille et se dit gaiement en lui-
même: Ça n'empêche pas qu'hier j'ai gagné ma journée à épier ces hommes sorciers.
Il fait bon avoir bon pied, bon Å“il ! Par ce moyen j'en sais maintenant autant qu'eux
et ce qu'ils auraient gagné là, tant vaut que je l'épargne.