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                  LA NOBLESSE BOURGEOISE                          121
bourgeoisie, et qu'en conséquence le nivellement des castes, pour
en avoir été le résultat, n'a pas été le but unique et suprême de
la Révolution.
   Les prérogatives et les titres nobiliaires n'étaient pas l'apanage
exclusif des descendants des anciennes races ou même des simples
anoblis par lettres royales. Ils s'acquéraient aussi, et le plus sou-
vent, par l'exercice et la possession des offices dont j'ai parlé plus
haut, et que recherchait ardemment la bourgeoisie, dès qu'elle avait
atteint, par l'épargne, l'une de ses facultés maîtresses — un
certain degré de bien-être et de fortune. Quand un marchand
s'était enrichi par le commerce, son plus vif désir, son ambition
la plus opiniâtre était de faire pourvoir ses fils de l'un de ces
offices enviés, et de l'introduire ainsi, par une porte dérobée,
quoique largement ouverte, dans le corps des privilégiés. On peut,
dans une statistique delà population et de la richesse, observer
comme en un miroir l'état de la conscience et des mœurs publiques.
Le bien-êlre, la fortune n'étaient pour la plupart de nos aïeux de
condition moyenne qu'un but indirect et presque secondaire, un
moyen; le principal objectif, c'était l'accession à la noblesse. Il
est de la nature humaine de toujours tendre à s'élever ; ne lui
reprochons pas cet orgueil : sagement entendu et limité, il est le
germe des vertus généreuses et des grandes actions. Autrefois le
tabellion ou le procureur rêvait de faire de son fils un avocat,
l'avocat un juge au bailliage ou un maître aux comptes, le maître
aux comptes, un conseiller ou un avocat général au Parlement.
Après deux générations, le descendant d'un officier de cour souve-
raine était noble ; après cent années, il était gentilhomme de race,
il prenait rang en Bourgogne dans les états provinciaux, au
milieu des représentants des plus vieilles et des plus illustres
familles. Et pourtant son bisaïeul n'avait été qu'un obscur négo-
ciant, un petit patricien, un humble homme de loi, un bourgeois,
quelquefois même — cela s'est vu souvent — un fils de serf, un
affranchi.
   Qu'étaient-ce que les Bouchu, les Baillet, le Joly, les Cham-
bellan, les Berbizey, les Millière, les Valon, les Bouhier, les
Requeleyne, et tant d'autres magistrats célèbres dans les fastes
judiciaires bourguignons, dont la postérité fit souche de marquis,