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A MISTRAL Un soir que je lisais une œuvre de génie, Œuvre où l'atrocité le dispute à l'horreur Et la honte à l'ignominie, Je sentis comme un glas qui sonnait dans mon cœur, En moi l'illusion mourait, et toute nue La vérité me vint trouver Avec un front de fille et non plus d'ingénue Gomme j'aimais à la rêver! Hideuse vérité, qu'eût voulu ma pensée Rejeter comme un flot de fiel Mais dont j'allais charger ma mémoire offensée, Puisque j ' y devais croire ainsi qu'on croit au ciel ! Déesse de ruisseau, divinité nouvelle, Qui devait seule emplir le globe de mes yeux Et si bien éclipser le reste que pour elle Je brûlerais mes premiers dieux ! Hélas! ils étaient là ces dieux de ma jeunesse, Virgile, Horace, Ovide, Homère, vieux amis Qui m'avaient conduit au Permesse Quand ce voyage était permis : Ils étaient là , Malherbe, et Ronsard, et Molière, La Fontaine, Corneille et Shakspeare étaient là ; Chénier, Hugo, Musset, tous vêtus de lumière, Et Lamartine, et tous qui criaient: « Me voilà ! » Mais, honteux, je baissais la tête Puisqu'il fallait changer d'amours, Cette littérature honnête N'étant plus faite pour nos jours! Foin donc de ces rêveurs enivrés d'ambroisie ! L'auteur que j'avais dans la main Me prouvait que leur œuvre était de fantaisie Nul n'ayant avant lui scalpé le genre humain. .luiu.KT 1883. — T . V I .