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54                     LA R E V U E    LYONNAISE

 du sang sous le satin, des épaules nues, des hanches nues, tout le
  nu de la femme caressé de lumière, les fleurs en bouton de la
 gorge, les fleurs à demi ouvertes des lèvres, jusqu'aux roses lie de
 vin presque noires, saignantes, qui trouent cette pureté d'épousée
 d'une blessure de passion. Il y en a d'honnêtes, d'effrontées, de
 débraillées. »
    Et comme les roses sont devenues des personnes, les personnes
 deviennent elles mêmes des roses. « Albifie est une grande rose,
 une de ces roses pâles ouvertes du matin, et Serge la respire et la
 met à sa poitrine. »
    Et puis toute la nature s'occupe du couple et s'émeut, « les allées
 les saluent, les fleurs penchées les adorent, le parterre leur fait
 escorte ». Aussi il ne faut pas faire de mal à tout cela, « il faut
 prendre garde de ne tuer personne. »
    Ces fleurs, du reste, elles ont chacune leur influence spéciale.
 « Les unes ont une sollicitation ardente, ce sont les verveines
 exhalant l'odeur fraîche d'un baiser, les tubéreuses soufflant la
 pâmoison d'une volupté mortelle ; tandis que les autres, comme
les lis, vous mettent comme au centre d'une tour de pureté. Alors
 les fleurs d'amour sont touchées de cette blancheur et se font dis-
crètes pour ne pas débaucher ceux que les lis ont purifiés l. »
    Après les fleurs, les fruits, « depuis les abricotiers patriarches
et les pommiers aux reins cassés, jusqu'à la vigne qui s'élance avec
des rires fous et éclabousse tous les feuillages de l'ivresse heureuse
de ses pampres. »
    Et puis, les rivières s'animent à leur tour: « l'une passe lan-
guissante avec le froissement léger, les cassures blanches d'une jupe
de satin traînée par quelque dame rêveuse au fond d'un bois, l'autre
est joueuse, elle se ralentit, part en rires perlés, se calme à l'abri
d'un bouquet d'arbustes, essoufflée et vibrante encore, et montre
toutes les humeurs du monde. »
   Et puis, il y a l'arbre dont l'ombre procure la félicité parfaite.
Alors les futaies entrent en scène et se mettent à causer. Toute la
végétation montre aux amoureux le chemin de cet arbre, et quand
ils le suivent, « le parc entier les pousse, les plantes se haussent

 ' Je cite presque textuellement. Voir la Faute de Vabbê Mouret, p. 190.