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LE ROMAN N A T U R A L I S T E 49 précieuses, il n'arrive pas aux résultats qu'on pourrait attendre. Il y a là , nous semble-t-il, deux causes principales. L'une vient du système. A force de vouloir écarter tout ce qui rappellerait l'ancien roman, et en particulier l'action plus ou moins dramatique, le fil qui relie les différentes scènes et les différents personnages, M. Zola en est arrivé à supprimer l'intérêt et à ne faire qu'une série de tableaux sans suite, qu'il rattache comme il peut les uns aux autres. Gela ressemble plus à la vie réelle, dit-il. Oui, de même que la photographie est une reproduction exacte de la nature. Seulement cette reproduction est une œuvre morte, taudis que l'interprétation que le peintre fait du paysage ou de la scène qu'il a sous les yeux est une œuvre vivante. La seconde cause de décadence vient du public. Depuis l'Assommoir, le public a gâté M. Zola. Un succès de mauvais aloi est toujours un écueil des plus périlleux pour un auteur, et nous en avons ici un exemple de plus. Nous n'examinons pas, pour le moment, ce que vautl'œuvre qui a créé la popularité de M. Zola, nous reconnaissons qu'elle a des qualités, et même des qualités sérieuses, mais ce ne sont cer- tainement pas ces qualités qui l'ont fait réussir. La Fortune des Rougon, la Conquête de Plassans, Son Eoccellence Eugène Rougon sont des œuvres autrement exécutées, et qui cependant sont restées dans une obscurité relative. Arrive l'Assommoir avec ses grossièretés voulues et son argot de barrières, du jour au lendemain, l'auteur passe de la notoriété à la célébrité, son nom est dans toutes les bouches, on l'attaque, on le défend, surtout on le lit. Désormais réputation oblige, et, pour se maintenir à cette hau- teur, il faudra exciter de plus en plus la curiosité malsaine du lec- teur, il faudra qu'à chaque publication on s'attende à des tableaux de plus en plus corsés, le succès est à ce prix. Bien fort sera l'au- teur qui résistera au courant, qui ne se laissera pas entraîner par lui, et saura sacrifier au bon goût et aux bonnes mœurs la certitude de vendre cinquante mille exemplaires de son prochain ouvrage. La popularité, c'est la grande impudique, a dit Barbier. Qu'un auteur y sacrifie, et comme, après l'Assom- moir, Une Page d'amour paraîtra fade, alors nous aurons JUILLET 1883. — T. VI. 4