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36 LA R E V U E LYONNAISE étant en fuite, de même que l'échevin Prost, aucun avocat ne put se présenter pour défendre les accusés. Toutefois une défense écrite fut présentée par la dame d'Ailly de Rochefort, épouse de Laurent delà Veuhe, pour disculper ce dernier. Dans ce mémoire, dû à la plume d'un jurisconsulte, Mmo de la Veuhe fait valoir que son mari n'avait exercé contre Lanchenu qu'une vengeance assez modérée, après avoir été insulté indigne- ment dans sa maison. S'il avait quitté Lyon, c'était avant toute poursuite dirigée contre lui; on ne pouvait donc le considérer comme contumace. C'était, d'ailleurs, après avoir avoué pleine- ment sa faute et avoir exposé sincèrement les motifs de sa con- duite. Il avait préféré ainsi une retraite respectueuse à une défense hardie et facile. Enfin, Lanchenu ne pouvait soutenir que le Roi avait été offensé en sa personne, car il s'agissait d'une vengeance toute personnelle et motivée par une offense particulières Ce faclum, comme il est intitulé, dans lequel nous retrouvons touslesdéfauts de l'ancienne littérature juridique : longues périodes, digressions oiseuses, citations empruntées à tous les auteurs latins, ne semble avoir fait aucune impression sur le tribunal. Car, le 31 juillet 1666, la commission extraordinaire rendit un arrêt, qui surprit les contemporains eux-mêmes, habitués pourtant aux ri- gueurs inexorables de notre ancien droit pénal. Cet arrêt condamnait Laurent de la Veuhe. à avoir la tête tran- chée; il le déclarait, en outre, dégradé de noblesse, lui et sa posté- rité, et incapable de posséder jamais aucune charge. Sa charge de trésorier de France était confisquée au Roi; confisqués aussi étaient tous ses autres biens De plus, il était condamné à 12.000 livres d'amende envers le Roi, à 12.000 livres de dommages intérêts envers Lanchenu et à tous les frais du procès. En lisant cette ènumération de peines, il semble que toutes les rigueurs delà justice devaient être épuisées. Mais ce serait bien mal connaître notre ancienne législation criminelle. Car l'arrêt ajoutait encore une peine appliquée fréquemment aux nobles, cou- • i-Faclum de Dame Françoise d'Ally de Roclieforl, pour Messire Laurens de la Veuhe son mary, seigneur de Clievrléres et 'Curis, trésorier de France et prévost des marchands à Lyon, contre M. Pierre 1 anchenu, demandeur et accusateur. — 9 pp.