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522                  LA REVUE LYONNAISE
   Abreuvé de dégoûts, Quinones alla s'embarquer sur la Saône, à
Auxonne, pour retourner en Espagne. Il avait été nommé gouver-
neur à l'âge de soixante ans : son successeur, Francesco Gonzalès
d'Alveyda, en eut quatre-vingts. Le même auteur qui nous a
parlé de l'arrivée de Quinones, nous raconte celle d'Alveyda. Il
nous peint la surprise des Francs-Comtois, lorsqu'ils virent passer
dans son carrosse, à travers les rues de la ville, ce vieillard de
quatre-vingts ans, grand, maigre, brèche-dents, débile, la barbe
taillée en pointe à la mode espagnole, la tête recouverte d'une
perruque ridicule, l'œil éteint, le geste mort, enfin un fantôme de
gouverneur.
    Comment les Francs-Comtois auraient-ils pu ne pas être frappés
de la profonde différence qu'il y avait entre ces tristes représentants
de l'Espagne et ceux de la France. Quel prestige ne devait pas
exercer sur eux Louis XIV, alors âgé de trente-cinq ans, et
entouré d'hommes tels que Condé, Turenne, Vauban et Louvois?
M. de Piépapelui-même, malgré tout son patriotisme, commence, à
la vue du grand roi, à se laisser gagner et à devenir Français. La
lutte était impossible, et à la première occasion, les derniers ves-
tiges de la domination espagnole devaient disparaître. En 1674, le
pays, attaqué, fit un dernier effort. Mais le parlement était disposé
à se soumettre. Les conseillers, dit un auteur du temps, commen-
çaient à parler de la France « à pleine bouche1 ». La noblesse
 s'était presque éteinte dans la première moitié du dix-septième
siècle; ce qui en restait encore était devenu favorable à la
France. La cause de l'Espagne n'avait plus d'autres défenseurs
que les paysans et le clergé. Les paysans n'ont que des idées
simples, mais profondément enracinées ; c'est à la fois leur force
 et leur faiblesse. Pour eux l'Espagne, le catholicisme, la Comté
 n'étaient qu'une seule et même chose. Pour repousser l'invasion
 française, ils descendirent de leurs montagnes, conduits par leurs
 curés. Partout le clergé et jusqu'aux ermites prirent les armes.
 L'armée de Louis XIV eut facilement raison de ces bandes sans
 discipline.
    Le siège de Besançon, que le roi fit en personne, fut le dernier

  1
      II, 301.