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412                   LA REVUE LYONNAISE
d'un amant pour sa bien-aimée, puisque l'on assure que l'amour
est le père de toutes les extravagances, mais de la part d'un sujet
pour une princesse! Enfin, c'était un de nos chevaliers! A une
autre époque, il semblerait que la princesse, informée du fait, eût
dû créer l'ordre de la Pêche.
   Les jours suivants, la princesse fut promenée sur la Saône dans
une gondole pavoisée, suivie d'une multitude de jolies embarca-
tions et de musiciens. De la sorte, elle visita l'Ile-Barbe, station
se rattachant aux temps antiques, portant vieux donjon, petite
église bien sombre, et offrant un prestige pittoresque que lescon -
structions modernes ne lui avaient pas encore enlevé. Cette soirée
ne laissa rien à désirer. L'ombre du pauvre Louis XVI semblait
surnager, satisfaite et réconciliée, autour de l'embarcation illu-
minée qui portait sa fille. De nombreuses acclamations, de femmes
surtout, partaient du rivage.
   C'était la fête des âmes sensibles, mélancoliques, célébrant à la
face du ciel étoile le retour d'une femme fortement éprouvée.
Pourquoi cette noble princesse, modèle de tant de vertus et de
patience, manquait-elle de grâce? On cite d'elle des paroles pleines
de sens ; mais elle laissait froids ceux qui l'écoutaient.
   A peine son séjour écoulé, qu'il fut question de celui que devait
faire son beau-père, le comte d'Artois. Monsieur entra sur un
cheval gris blanc et en habit vert. Je le vois encore sur le quai de
Retz, les dents au vent, saluant avec aisance les dames dont
l'approbation lui venait des fenêtres.
   Il avait, ce jour-là, mis à contribution toutes les belles façons
de sa jeunesse, mais il n'était plus jeune.
   On put juger qu'il avait conservé un fort bon appétit, car au
dîner qui lui fût offert au palais Saint-Pierre et où personne ne se
jeta sur ses pelures de pêche, il fit honneur à un plat de bec-figues,
et les suçant les uns après les autres avec une incroyable avidité,
il s'écriait : « Us sont bien bons ces petits oiseaux ! ils sont bien bons
ces petits oiseaux !»
   Convaincus de cet incontestable fait que nous avions en France
des Bourbons en corps et en esprit, chacun s'occupa de leurs ten-
dances, commenta le code fondamental de Louis XVIII, tira des
augures du moindre de ses gestes.