page suivante »
LA JARRETIÈRE BLEUE 191 Cette sentence,prévue d'ailleurs, m'effraya. J'aimais Oscar après tout ; n'aime-t-on pas ceux qui ont besoin de votre appui ? Aussi, avec éloquence, avec un entrain que je n'ai peut-être pas toujours dans mes plaidoiries, je me mis à l'entreprendre pour le décider à quitter Paris. Vousme traiteriez de hâbleur si je disais que je réussis du premier coup. Je dus, au contraire, revenir maintes et maintes fois à la charge, avoir recours à tous les procédés de rhétorique connus, en inventer même. Je passai de l'ironie à l'insinuation et de la véhémence à la la prière. Je fus doucereux, emporté, bien- veillant, impératif. Enfin Oscar céda, moins peut-être, je dois l'avouer, parce qu'il était convaincu que pour se débarrasser de mes obsessions. Ce point acquis, il ne s'agissait plus que de savoir de quel côté il irait. Je lui proposai Boulogne, où j'avais quelques amis qui s'occuperaient de lui. Il accepta ; la chose à vrai dire, lui était assez indifférente. Ce fut moi qui présidai à la confection de la malle d'Oscar, tout en prodiguant mes consolations à Mme Lobligeois épouvantée des périls qu'allait courir son locataire bien-aimé; ce fut moi qui le mis en voiture et qui l'accompagnai au chemin de fer, En route, je l'exhortai à avoir beaucoup de courage, et à ne point s'incruster dans la chambre de l'hôtel comme il s'incrustait à Paris dans son domicile'. Le voyageur faisait assez bonne contenance et prit l'engagement de suivre tous mes conseils. Maintenant que le premier pas était fait, la résolution que j'avais fini par lui persuader de prendre l'épouvantait beaucoup moins. Une fois à la gare, j'allai au guichet chercher le billet de mon vaillant ami, je fis enregistrer ses bagages et je l'installai, avec une provision de journaux, dans le compartiment des fumeurs, après avoir échangé avec lui de touchants adieux. * Oscar m'avait juré de m'écrire dès son arrivée; en effet, je ne tardai pas à recevoir de ses nouvelles. Trop candide pour savoir dissimuler ses impressions et trop à son aise avec moi pour ne point parler à cœur ouvert, il laissait à chaque ligne percer sa